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28 mars 2017 2 28 /03 /mars /2017 23:06

Comment se fait-il qu’un quart de notre population, les retraités, soit aussi peu présent, voire rejeté par notre société ? Comment faire pour que les nouveaux retraités retrouvent un sens et une utilité en dehors du travail, alors qu’il leur reste des dizaines d’années à vivre ?

L’activité et l’implication sociale constituent une réponse évidente, mais les écueils sont nombreux...

Comment œuvrer pour favoriser l’activité des retraités, pour eux-mêmes, mais aussi dans l’intérêt collectif ? C'est la question que se sont posée

Pierre-Étienne Girardot et Yann Song lors d’un mémoire du Corps des mines, qui donne lieu à la parution d’un ouvrage

Les retraités, oubliés et inutiles ?

L’invasion des retraités

En mars 2015, Rama Yade, déclare sur son compte Twitter : « Vite ! un service civique... obligatoire pour les séniors. Que d’avantages pour eux, les jeunes et la société. »

Derrière cette idée, lancée en son temps par la socialiste Michèle Delaunay, se cache un constat inavouable : les retraités forment une masse pesante et inutile.

La notion de retraite, instaurée dans l’après-guerre, a en effet été complètement chamboulée par de multiples évolutions sociétales.

Il s’agissait, à l’origine, de protéger les Français du risque de pauvreté une fois trop vieux pour pouvoir travailler, à l’instar de l’assurance maladie. L’espérance de vie à la naissance dans les années 1950 et 1960 ne dépassait pas les 70 ans, et peu de personnes atteignaient l’âge de la retraite, alors de 65 ans.

Quant à ceux qui prenaient leur retraite, il ne leur restait en général que peu d’années à vivre.

Depuis, tout, ou presque, a changé. L’âge de départ en retraite a globalement diminué, alors que l’espérance de vie n’a cessé son irrésistible ascension, au rythme moyen d’un trimestre gagné tous les ans. L’équilibre démographique s’est par ailleurs inversé avec la translation du baby boom en papy boom : actuellement, un quart de la population a plus de 60 ans. Progressivement émerge une nouvelle classe d’âge de plus de 15 millions de personnes. On est maintenant à la retraite pour plusieurs décennies et en relativement bonne santé, tant et si bien que ce n’est plus une canne que l’on offre lors du pot de départ à la retraite, mais plutôt des billets d’avion pour partir au bout du monde.

 

Cachez ces retraités que je ne saurais voir

Un premier constat chiffré amène à la conclusion plutôt rassurante qu’en moyenne, ces retraités bénéficient de conditions très favorables, tant en termes de santé que de niveau de vie.

Il ne faut cependant pas s’arrêter à cette première impression. Tout d’abord, à côté des moyennes se cachent des inégalités alarmantes, dangereusement dissimulées derrière le vocable uniformisant que constitue le mot « retraité ». Que de différences entre homme et femme, rural et urbain, ouvrier et cadre !

Surtout, ce constat chiffré masque une réalité sociologique bien plus inquiétante, qui ne semble cependant pas attirer l’attention de nos dirigeants, tant il est facile de s’abriter derrière de bonnes statistiques d’espérance de vie ou de pouvoir d’achat.

 

Notre société rejette le vieillissement

Tout se passe comme si cette population de 16 millions de personnes n’existait plus socialement. Le terme de « retraité » s’utilise aujourd’hui comme un cache misère et amalgame un groupe de personnes aux profi ls extrêmement divers dont les différences de parcours, de valeurs, de santé, de catégories socio-professionnelles sont à leur paroxysme après une carrière bien remplie.

À cet égard, le découpage par tranches d’âge utilisé par la société de mesure d’audience Médiamétrie est frappant.

Alors que les plus de 60 ans sont notoirement de grands consommateurs de médias, ils sont regroupés en une seule tranche ! Les 15-60 ans sont, quant à eux, subtilement découpés en 5 classes d’âge restreintes. Ce raisonnement est pourtant fondé sur une énorme erreur. En assimilant les 60 à 100 ans dans une même catégorie que l’on nomme « retraités », la société confond un père et un fils, un résistant et un soixante-huitard ! Il en résulte évidemment une grande perte d’identité pour ces personnes.

Lorsque la société daigne les regarder, elle ne projette sur les retraités que mépris ou déni. Mépris pour ces nantis qui ont profité des Trente Glorieuses et continuent à croire que tout leur est dû, en s’obstinant à aller au supermarché le samedi alors qu’ils ont toute la semaine pour le faire... Déni du vieillissement et culture du jeunisme, à une époque où l’âge moyen de l’expert électronique du foyer ne saurait dépasser les 15 ans. Certaines publicités se moquent ouvertement des séniors, comme AXA et sa campagne sur le thème : « un coup de vieux, ça peut venir n’importe quand ». Elle présente un stéréotype d’homme âgé qui assène des « coups de vieux » aux passants. Une partie de la population retraitée peut légitimement se sentir offensée par ces publicités.

« Une politique de la vieillesse qui confine à la barbarie »

Cette phrase forte de Simone de Beauvoir est toujours d’actualité. Les politiques publiques reflètent l’opinion qu’un retraité est soit impropre au travail, soit pauvre, soit impotent.

En amont de la retraite, l’accent mis sur les préretraites a largement contribué à stigmatiser les séniors, même si l’efficacité réelle de ces dispositifs est loin d’être prouvée. Dix ans de

préretraites massives ont ancré dans le public l’idée que les séniors devaient laisser la place aux jeunes et qu’« un vieux qui part à la retraite, c’est un jeune qui trouve du travail ».

Par ailleurs, les autorités se sont concentrées sur les notions d’aide à l’autonomie ou de lutte contre la pauvreté. Cette focalisation sur les mesures d’assistance au grand âge est fondée sur le dangereux amalgame suivant lequel retraité veut dire vieux, et que vieux veut dire malade, alors même que seuls 17 % des plus de 85 ans sont dépendants.

Les retraités dynamiques, en bonne santé et aux revenus confortables, sont les grands oubliés des politiques publiques. C’est pourtant le profil type des retraités moyens, qui représentent une part significative de la population, estimée à plus de 11 millions de personnes !

 

Les entreprises marginalisent leurs séniors

La mauvaise image des retraités trouve également ses racines dans le monde de l’entreprise. La limite fatidique des 50 ans marque souvent une entrée psychologique et pratique dans la « fin de carrière » : moindres possibilités de mutation, moins de formation... Ce constat est alarmant, car, à 50 ans, la plupart des salariés ont encore devant eux un tiers de leur vie professionnelle !

Ainsi, en France, 7 % des personnes de 50 ans ou plus ont perçu une discrimination liée à l’âge en 2010, soit deux fois plus qu’en 2000, ce qui place notre pays parmi les cancres européens. Seuls 4 % des actifs français de 55 à 64 ans ont participé en 2011 à une formation liée à leur travail, à comparer à une moyenne de 7 % dans l’Union européenne et quasiment 10 % dans l’OCDE.

Il en découle pour certains séniors un sentiment de rejet et de dévaluation qui les pousse à prendre leur retraite plus tôt et pas forcément dans les meilleures conditions.

 

Les retraités eux-mêmes ne se mobilisent pas

Enfin, force est de constater que les retraités eux-mêmes s’engagent très peu pour contrer leur image plutôt négative dans la société.

On distingue trois principaux vecteurs d’expression :

- le syndicalisme retraité ;

- sur le plan institutionnel, le CNRPA (Comité national des retraités et personnes âgées), instance consultative placée auprès du ministre chargé des personnes âgées ;

- la CFR (Confédération française des retraités), structure chapeau de l’écosystème très fragmenté des associations de retraités.

Toutes ces organisations pâtissent de deux limites. Quantitativement, leur représentativité est faible : la CFR représente au mieux 1,5 millions de personnes, soit 10 % de la population retraitée, ce qui est insuffisant pour peser réellement dans le débat public.

Qualitativement, leurs prises de positions ne sortent jamais du triptyque caisse de retraite, système de santé et autonomie.

Toute revendication sur la place des retraités dans la société ou l’amélioration de leur image est malheureusement absente des débats.

 

Il est urgent d’agir !

Cette dévalorisation du statut de retraité bouleverse profondément les équilibres au sein de notre société. La situation ne fait qu’empirer de jour en jour, alimentée d’une part par le vieillissement progressif de la population, et d’autre part par l’extension inexorable du champ du numérique, qui conduit à mettre impitoyablement sur la touche ceux qui ne sont pas capables de relayer un tweet en moins d’une seconde.

Une folle dégringolade est engagée, et rien ne nous semble pour l’instant en place pour limiter les dégâts et espérer un jour remonter la pente.

Il est donc urgent d’agir, mais quelle approche retenir ? Se battre pour préserver le système de retraite ? Se battre pour le système de santé ? Oui, bien sûr : nous ne prendrons pas ici le parti de remettre à plat ces acquis sociaux. Mais il faut aller plus loin que ces réponses traditionnelles qui contribuent depuis des décennies à la dégradation de la cohésion sociale. Osons donc parler de l’activité des retraités, osons dire qu’il n’est pas interdit de faire quelque chose de ses journées même lorsque l’on a atteint le nombre requis d’années de cotisation.

 

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