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10 avril 2018 2 10 /04 /avril /2018 22:30
Hier, les gendarmes ont mené une opération musclée pour mettre fin à l’occupation de la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Stéphane Mahe/Reuters

Hier, les gendarmes ont mené une opération musclée pour mettre fin à l’occupation de la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Stéphane Mahe/Reuters

Marie-Noëlle Bertrand - Mardi, 10 Avril, 2018 - L'Humanité

 

Les opérations d’expulsion ont débuté hier matin. Les 2 500 gendarmes mobilisés n’ont pas fait dans le détail pour déloger les occupants, mais aussi détruire, pour une première journée, le maximum d’installations.

 

Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), envoyée spéciale.

 

Et à 12 h 39, les 100 Noms sont tombés. Une demi-heure plus tôt, les gardes mobiles, casqués et équipés de boucliers, avaient engagé leur manœuvre. On avait d’abord vu leurs visières dépasser de derrières les haies qui longent la pâture et le potager de la ferme, puis leurs silhouettes noires s’avancer coude-à-coude. Lentement d’abord, puis de plus en plus fermement, leur cercle s’est refermé sur la cabane, attrapant dans sa nasse la centaine de personnes restées pour la défendre pacifiquement, finalement rejetées dans le pré d’à côté à coups de gaz lacrymogène, les yeux larmoyant sous l’effet de l’acide autant que de la colère. La bergerie des 100 Noms comptait au nombre des fermes emblématiques de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, de celles qui avaient réussi à pérenniser une production agricole et qui développaient des projets.

Au vu des critères de légitimité à être maintenue en place énoncés par le gouvernement lui-même, elle semblait à l’abri de toute intervention. Et pourtant. Dès les premières heures, des opérations d’expulsion programmées depuis la fin de la semaine dernière, les 100 Noms sont tombés, bousculant les repères. Et soulignant, surtout, le message infligé hier par l’État à ceux qui défendent le maintien d’une gestion collective des terres à Notre-Dame-des-Landes. « Ce n’est pas neutre que les forces de l’ordre s’attaquent aux 100 Noms en premier », explique Marcel Thébaut, paysans « historiques » de la ZAD, les yeux encore rougis par la morsure des gaz chimiques. « Ils cherchent à tuer l’espoir, à détruire tout l’avenir que nous nous étions construit. » Car, si les 100 Noms semblaient dans les clous imposés par les autorités, la ferme continuait d’y déroger en un point : comme les autres, elle avait refusé de signer la convention d’exploitation individuelle qui lui aurait donné droit de rester, préférant continuer de se battre pour la solution collective défendue depuis le début par les habitants de la ZAD. « C’est cela que les autorités cherchent à détruire avant tout », relève Camille, la vingtaine, emmitouflée dans une parka violette et assise à califourchon sur le toit de la yourte qu’elle s’est fabriquée voilà quatre ans, frappant dans une vieille poêle en fonte avec une cuillère du même acabit. « Depuis ce matin, ils détruisent tout ce qui fait sens ici, depuis notre désir d’une agriculture collective et non marchande jusqu’à notre poésie. » La chèvrerie et ses fresques de mosaïque, le Lama fâché et son vaste chapiteau circassien… plusieurs lieux renommés ont été évacués. Face à elle, seule dans sa prairie, une rangée de gardes mobiles font le pied de grue, dans l’attente de la prochaine consigne que leur intimera leur commandement.

 

Des scènes de guérilla rurale

Pour eux, comme pour tout le monde, la journée a vraiment démarré tôt dans la matinée. Programmée officiellement à 6 heures, l’opération d’expulsion des habitants de Notre-Dame-des-Landes a finalement débuté un peu après 3 heures du matin. Arrivés par l’est de la ZAD et la fameuse route des chicanes – celle qui fut longtemps fermée à la circulation et dont le déblocage par les militants avait été négocié après l’abandon du projet d’aéroports, en janvier dernier –, les forces de l’ordre ont remonté les chemins du bocage, passant un à un les barrages et points de résistance érigés sur leur passage. À leurs sommations régulières de céder le terrain, des poignées d’activistes ont répondu tantôt par le juron, tantôt par l’humour. Aux tirs de grenades lacrymogènes, ont fait écho quelques jets de fusées d’alerte ou de simili cocktails Molotov. L’affrontement physique, hier après-midi, n’était pas allé au-delà. Filmées par la police, les premières images à circuler sur Internet et dans les médias – entre autre le Figaro – ont certes donné à voir des scènes de guérilla rurale. Mais du côté des habitants de la ZAD, la stratégie visait d’abord à faire l’inverse. « Nous ne leur offrirons pas les images qu’ils attendent, expliquait un jeune homme, la vingtaine, avant la prise d’assaut de la bergerie des 100 Noms, dont les moutons avaient été mis en sécurité. Nous résisterons avec nos corps mais sans affrontement. » La parole sera tenue. À l’arrivée des gardes mobile, les militants formeront des cordons sanitaires autour de la cabane – une baraque architecturalement bancale mais énergiquement autonome, dotée de panneaux solaires et d’une éolienne – et grimperont sur le toit du hangar pour retarder l’intervention. Au pire auront-ils jeté quelques poignées de boue colériques. La force de frappe des fumigènes a eu raison de leur détermination.

 

 

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