« Que le sang sèche vite en entrant dans l’histoire »…
C'est ce que dénonçait Jean Ferrat que le gouvernement français compte pour justifier sa scandaleuse absence aux commémorations des vingt ans du massacre rwandais. Les milieux dirigeants français parient depuis lors sur l’oubli, sur la lassitude de ce petit pays, sur l’extinction des voix des survivants.
Non ! Ce n’est pas la France qui a mis la main au « génocide », mais ce sont bien ses dirigeants qui, au nom de l’intérêt suprême de la Françafrique, ont fourni les armes, les conseillers, les complices de cette entreprise d’extermination. Et qui ensuite ont fermé les yeux et clos les lèvres sur la tragédie, jusqu’au moment où elle n’a pu être niée. Le « rôle direct » des autorités françaises, puisque c’est la formule reprochée au président rwandais, est hélas attesté. Il fallait empêcher une fois encore la guérilla du FPR de l’emporter, même au prix d’infinies exactions.
Longue histoire qui relie les crimes coloniaux à ceux du néocolonialisme et dans laquelle, il y a deux décennies, on trouve trace de la petite cellule qui œuvrait autour de François Mitterrand, du Quai d’Orsay, de l’armée et de ses barbouzes. Même les dossiers les mieux enterrés finissent lentement par émerger. Si bien que Nicolas Sarkozy a dû reconnaître en février 2010 de « graves erreurs d’appréciation » et une forme « d’aveuglement » des autorités françaises, alliées du régime raciste de Kigali.
Des militaires français ont-ils permis l’attentat contre l’avion des présidents du Rwanda et du Burundi ? Qui a validé les expéditions d’armes françaises aux massacreurs, même après l’embargo ? Pourquoi les gouvernants français ont-ils accompagné un régime qui a alimenté un racisme délirant contre les Tutsi, formant même jusqu’au déclenchement de la tuerie les assassins en chef de la garde présidentielle ? Comment se fait-il que des génocidaires aient trouvé longtemps un refuge commode et confortable dans l’Hexagone ? Quel rôle précis a joué Paul Barril, gendarme d’élite au service d’un président Mitterrand qui souhaitait qu’on y « sauvegarde ce que nous y avons fait » ?
Pourquoi ces versions mensongères des officiels, une enquête judiciaire qui travestit le crime, et leur relais docile par de grands médias français ? Des faux témoignages ont été démasqués, des documents sont sur la table, la justice française instruit enfin vingt plaintes contre des génocidaires… mais Hollande, en refusant toute représentation officielle à Kigali, choisit d’endosser la responsabilité des vérités falsifiées, des complicités odieuses et de l’histoire maquillée.
La Françafrique resurgit sur les fosses communes quand tout devrait conduire à en exorciser le spectre, à ouvrir un temps de vérité et de fraternité avec le continent africain.