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22 décembre 2013 7 22 /12 /décembre /2013 22:41
Le chantier de l’école

L’Instruction, avec un grand « L », gratuite, laïque, égalitaire, qui a permis à plusieurs générations de se hisser plus haut que leurs parents dans l’échelle sociale, est en panne.

Là est sans doute le véritable électrochoc provoqué par les résultats de l’enquête Pisa. Le classement international de l’OCDE sur l’éducation montre à quel point le système français ne parvient plus à agir sur les déterminismes sociaux. Plus que dans d’autres pays, l’écart se creuse entre les élèves issus des milieux favori­sés, qui réussissent aussi bien, voire de mieux en mieux, et tous les autres.

La France, cancre des pays riches ? On n’en est pas là. Mais l’Hexagone, qui figurait encore dans le classement de tête en 2003, descend dans la moyenne concer­nant les acquis des élèves. Même s’il faut se garder d’accorder trop de crédit aux classements, dont les critères recèlent tou­jours une part d’aléatoire, chacun sent bien qu’un point de fracture arrive, avec dans ses bagages un signal très négatif : quand le milieu social détermine la réus­site, le chacun-pour-soi se substitue au chacun-sa-chance.

Et la démocratie titube.

Le chantier de l’école

La démesure des réactions en témoigne. Laurent Wauquiez, ministre sous Sarkozy, crie à « l’alerte rouge » et relance le débat sur un projet cher à la droite la plus réac­tionnaire : cantonner l’école aux appren­tissages de base – lire, écrire, compter. Marine Le Pen entonne le même refrain contre « le recul des savoirs fondamen­taux » et suggère, dans la pure veine des régimes les plus autoritaires, le rétablisse­ment « de la discipline » et de la « mérito­cratie ». Montaigne doit se retourner dans sa tombe, lui qui inlassablement répétait qu’il vaut mieux « une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine ».

Le débat idéologique est intense car l’en­jeu est de taille. Derrière une ambition éducative, c’est tout un projet de société qui se dessine. Avoir « une tête bien faite » pose cette question fondamentale : quel(le) citoyen(ne) voulons-nous être ? L’objectif est forcément loin des petits calculs étriqués du seul bien lire et compter. Il s’accommode aussi assez peu d’un modèle éducatif calqué sur celui des entreprises, fait de compétition entre élè­ves, entre profs, entre établissements, de concurrence, de course aux savoirs « ren­tables » pour l’économie. Apprendre à penser par soi-même, à mobiliser l’ensem­ble 
de ses connaissances pour fonder une argumentation, à devenir une personne, un citoyen, un travailleur, un adulte, auto­nome et responsable, appelle au contraire à convoquer de nouveau à l’école l’envie d’apprendre.

Le chantier de l’école

Le ministre de l’Éducation nationale parle de « refondation », que les réformes enga­gées ne suffiront pas à édifier. Vu le point bas atteint, la scolarisation des enfants de moins de 3 ans ou le « plus de maîtres que de classes » en primaire sont des objectifs louables mais ne dessinent pas les con­tours d’un chantier qui serait réellement prioritaire. Quant à la réforme 
des ryth­mes scolaires, les enseignants ont eu vite fait 
de démasquer son vice : affaiblir un peu plus le caractère national de l’éduca­tion en laissant aux communes 
la prise en charge des temps libres. Forcément inéga­litaire. L’école a besoin de tout sauf de réformettes. 
La refonder est une ambition incompatible avec une politique de rigueur économique. Elle a besoin 
de beaucoup plus de moyens, mais pas seulement. 


Elle a aussi besoin de pensée.

 

Le chantier de l’école
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