Il n'y a pas si longtemps, au Bourget, pour Hollande, il fallait résister aux marchés financiers ; désormais « il faut assurer la crédibilité de la France » devant leur évaluation. Hier, une des trois priorités du même Hollande était la « réorientation de l’Europe » et nous n’avons plus en main que le traité Merkozy serti d’un codicille de croissance.
Hier, le même parlait de justice sociale; aujourd’hui il dit qu’il ne faut pas confondre avec « la mise en accusation de ceux qui ont apporté le plus à leur économie » – voilà satisfaits les grands patrons et Mme Parisot– et ont gagné beaucoup d’argent.
François Hollande a choisi de privilégier « l’esprit d’entreprise » et de mettre en cause « le coût du travail » dans une formule tarabiscotée : « Il n’est pas tout mais est tout sauf rien. » En tout cas, rendez-vous en 2014 pour une hausse de la TVA qui pèsera sur les consommateurs, les salariés pour l’essentiel. « Le redressement prendra du temps », a-t-il martelé ; « ce sera long », a-t-il dit de l’éducation. Le changement n’est donc plus pour maintenant. Dans la relecture de ses actes des derniers mois à laquelle le président convie les Français, il évoque désormais un cycle long, ne jouant « pas le sort d’une prochaine élection mais d’une prochaine génération ».
L’électorat de gauche, dont l’adhésion s’effrite d’après les derniers sondages, risque de ne pas trouver dans ce plaidoyer pro domo la réassurance que sa voix sera respectée. Bien entendu, des courants le traversent, les attentes sont diverses. Mais un an plus tôt, au lendemain d’une victoire au Sénat, socialistes, communistes, radicaux, EELV s’étaient retrouvés dans uncontre-budget qui prenait le contre-pied du dogmatisme budgétaire, dans des réformes qui protégeaient des licenciements boursiers ou des injustices fiscales. Le cours du monde, la persistance de la crise, l’échec des politiques d’austérité ne rendent-ils pas ces mesures plus nécessaires encore ? Ce qui unissait il y a si peu ne le peut-il plus aujourd’hui ? Le « récit » présidentiel, comme le disent si savamment les spin doctors, présente comme un cap constant ce que l’opinion interprète comme un virage libéral, « le coup de la parenthèse » selon la formule de la sénatrice socialiste Marie-Noëlle Lienemann.« On fait ce que tous les autres font », déplorait-elle en ajoutant : « Sauf que, par manque de chance, ça ne marche pas très bien. Donc j’attends qu’on nous explique comment, par miracle, ça va marcher en France »...
L’emploi et la croissance seraient les premiers à pâtir d’une docilité à l’égard des marchés financiers et de la droite qui ne cessent de réclamer des coupes claires dans les dépenses publiques et sociales.
Les Français peuvent être mobilisés pour leur résister. Les syndicalistes, les progressistes, les militants de gauche qui ne se résignent pas à ce que l’histoire bégaie peuvent sans tarder se mobiliser pour des alternatives crédibles à l’austérité, embrasser large pour unir une majorité. À la porte des choix politiques, l’espérance le dispute à la résignation lasse !