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8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 22:02
Notre ami Eddy nous a très justement signalé l'article de l'Humanité ci-dessous. Outre le fait que l'article est très, très pertinent, il intéressera particulièrement les Lempdais qui n'ont pas oublié que le sigle de leur  « Foyer », le FJEP se décode comme Foyer des Jeunes et d'Éducation Populaire

 

Rappel des faits Valérie Fourneyron a été nommée ministre des Sports, de la Jeunesse… et de l’Éducation populaire. fournayron

 

  • Comment interpréter ce signe politique fort ?

  • Quelle politique mener en la matière ?

Table ronde avec Marc Charbonné, directeur de MJC à Viry-Châtillon (CGT) et membre des Militants indignés des MJC. Marc Lacreuse, communiste et membre du Collectif éducation populaire du Front de gauche. Gwendal Ropars, secrétaire national de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), vice-président du Cnaje.

L’éducation populaire n’a pas 
de définition précise. 
C’est, semble-t-il, sa force 
car elle va de « l’instruction pendant toute la durée 
de la vie » défendue en 1792 par Condorcet, à « l’apprentissage 
à construction collective 
d’un projet et de la citoyenneté » porté par les grandes fédérations existantes en passant par 
une éducation populaire plus politique que veulent remettre 
au goût du jour des nouvelles Scop, des militants mobilisés dans les MJC ou lors 
d’états généraux qui 
se multiplient en province.

  • Quelle approche choisira 
la nouvelle ministre ?
  • L’éducation populaire ne doit-elle être qu’une éducation informelle, comme l’indique 
disgracieusement sa définition dans les institutions européennes, ou redevenir 
un des piliers pour 
la transformation sociale ?
L’éducation populaire a de nouveau son ministère. Simple symbole ou cela traduit-il la volonté, selon vous, de relancer une grande politique 
en la matière ? Pour quoi faire ?

Marc Lacreuse. Une simple étiquette ne suffira pas. Une grande politique ambitieuse est nécessaire car l’éducation populaire, particulièrement dans sa dimension d’émancipation démocratique, est (re)devenue un enjeu politique majeur. Et ce, pour plusieurs raisons, à commencer par l’inquiétante évolution de la société vers une abstention grandissante des citoyens vis-à-vis de la « res publica », la chose publique, le vivre ensemble, parfois minutieusement entretenus par des jeux politiciens désastreux. Marie-George Buffet, alors ministre, devait partager ce constat lorsqu’elle a initié une « offre publique de réflexion », en impliquant des centaines de collectifs et des milliers de personnes pour apporter leurs contributions à une nouvelle politique publique d’éducation populaire. J’y ai observé une belle – et rare – appétence pour ce nouveau geste politique, qui faisait revivre, en quelque sorte, ce que furent les cahiers de doléances. Une nouvelle loi-cadre devait en découler mais l’expérience n’a pas pu être menée jusqu’au bout. Sans doute a-t-elle un peu effrayé les tenants d’une vision purement délégataire de la démocratie. Mais depuis, la situation sociale et politique du pays n’a fait que s’aggraver : l’économisme et la finance ont pris le pas sur le politique, et l’éducation populaire, parquée entre le football et les jeux Olympiques dans un ministère sans moyens, était menacée de disparition. Il y a urgence aujourd’hui à ouvrir de nouveau un vaste débat public à propos de l’éducation populaire, dont se réclament de plus en plus d’initiatives associatives, syndicales, coopératives cherchant à construire de nouvelles procédures visant à augmenter radicalement la capacité d’agir des hommes et des femmes, d’évaluer et d’infléchir les politiques publiques dans tous les domaines : école, santé, travail, urbanisme, culture… Le formidable travail mené en 2005 par les citoyens à propos de la proposition de ratification du traité européen constitue un des exemples de ce que souligne l’éducation populaire comme faculté et légitimité de chacun à apporter sa pierre dans la construction sociale. Une des dimensions de l’éducation populaire contemporaine est de 
participer à la libération de ces potentialités culturelles et civiques dont le peuple est porteur.

Gwendal Ropars. La création du ministère de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative est un symbole car cela fait longtemps que l’éducation populaire n’a pas été mise en avant, et je crois sincèrement qu’il traduit la volonté de relancer une grande politique en la matière. Des défis restent à relever en termes d’éducation populaire aujourd’hui. Dans ce but, le Comité pour les relations nationales et internationales de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep) a lancé le mois dernier son événement « Educ’pop en fête », pour montrer ce qu’est concrètement l’éducation populaire. L’éducation populaire contribue à l’apprentissage de la citoyenneté, à ce que des hommes et des femmes se construisent individuellement et collectivement, s’émancipent, et participent à la construction et à la mise en œuvre de projets. Par exemple, la JOC a lancé la dynamique « Impose ta voix », en novembre 2011, afin d’organiser des soirées élections dans les quartiers populaires où l’on pouvait apprendre le rôle d’un élu, les différences entre les partis politiques, rencontrer des candidats, organiser des débats pour permettre aux jeunes de développer leur esprit critique... Nous considérons en effet la participation à la vie de la cité comme un levier essentiel dans le parcours des individus vers l’autonomie et l’émancipation, et comme une ressource primordiale dans l’élaboration des politiques publiques. Le fait d’avoir lié jeunesse et éducation populaire au sein de ce ministère est important : c’est reconnaître qu’en dehors de l’éducation nationale, l’éducation populaire peut faire du temps libre un temps éducatif et émancipateur.

Marc Charbonné. Un ministère de l’Éducation populaire est à la fois un message fort et un outil. Sans être le seul remède d’une société souffrante, l’éducation populaire peut redonner à chacun la capacité de réagir et d’agir sur ses conditions de vie. Cette vieille et grande idée du « savoir et de la culture pour tous, avec tous » doit être une force de proposition et d’action pour que les citoyens ne soient plus seulement acteurs de leur vie, mais auteurs. Et auteurs ensemble ! De plus en plus, le désengagement des pouvoirs publics et de l’État transforme les associations, et particulièrement les MJC, en prestataires de services, lieux de consommation d’activités, boutiques de loisirs… Au-delà du décrochage financier subi, cette marchandisation nous éloigne de notre identité première de lieux d’expérimentation sociale, d’expression, de socialisation, d’émancipation individuelle et collective, de solidarité, de créativité… C’est cela le plus révoltant ! Je suis convaincu qu’aucune société ne peut vivre sans un espace économique du don, de l’empathie, de la solidarité et de la fraternité. En cela, les associations jouent un rôle essentiel de corps intermédiaires en assurant cette dimension de la vie sociale et du lien entre les citoyens.

L’éducation populaire semble en plein marasme. Quelles mesures d’urgence s’imposent selon vous ?

Marc Charbonné. Stoppons net l’hémorragie ! Les constats sont accablants : disparition de MJC, municipalisation des structures d’éducation populaire, appels d’offres et délégations de service public… Au-delà de la mise en concurrence des associations entre elles, l’arrivée d’entreprises issues du secteur marchand risque de causer un plus lourd préjudice au monde associatif, à la culture et à l’éducation populaire. Tout a été préparé dans ce sens, de la circulaire Fillon de janvier 2010 à la récente directive européenne dite « paquet Almunia ». Les associations et fédérations d’éducation populaire doivent se réveiller. Une société anonyme pilotée par GDF Suez gère actuellement l’équipement culturel de la Gaîté-Lyrique. Que se passera-t-il quand Veolia organisera le soutien scolaire de vos enfants, quand le Club Méditerranée organisera les colonies de vacances de vos comités d’entreprise, quand Vivendi gérera les MJC de vos villes… Vous pouvez en être sûr, c’est tout un pan de la liberté associative qui disparaîtra sous nos yeux. Au même titre que l’éducation nationale, dont elle est complémentaire, l’éducation populaire n’est pas une marchandise ! Il nous faut d’urgence un dispositif législatif définissant l’éducation populaire comme une exception française, au même titre que la culture, et créer une loi-cadre pour une relation sereine entre les pouvoirs publics et les associations d’éducation populaire. Au-delà de l’octroi d’un simple agrément, celle-ci doit affirmer le statut particulier des associations d’éducation populaire, sortir des logiques d’appels d’offres et de délégations de service public, engager l’État à financer les associations d’éducation populaire et leurs fédérations par le retour aux subventions de fonctionnement, relancer une politique de formation des personnels de l’éducation populaire et alléger les charges pesant sur les associations agréées par une exonération de la taxe sur les salaires.

Gwendal Ropars. Les associations de jeunesse et d’éducation populaire s’appuient sur l’initiative citoyenne et encouragent une démarche participative des populations dans la conduite des projets, pour permettre aux individus de vivre des expériences d’engagement. Il faut donc les associer à la mise en place d’une politique d’éducation à la citoyenneté et les soutenir en reconnaissant leur spécificité et leur action dans la construction de la société. Il faut également remettre en cause la réduction de leurs financements. Toutes les associations n’ont pas des salariés. Il faut donc soutenir les têtes de réseaux associatives qui offrent les principales demandes d’accompagnement des militants.

Marc Lacreuse. Il faut ouvrir à nouveau un vaste chantier citoyen de réflexion impliquant associations, syndicats, collectifs de terrain, coopératives, et redonner aux associations d’éducation populaire la capacité de leur autonomie politique. Beaucoup étaient sommées de « perdre leur âme » en n’assurant leur subsistance qu’avec la course aux financements sur projets, instrumentalisées par des dispositifs d’État dont les effets n’ont jamais été évalués et qui se succédaient en toute incohérence. Outre une progression importante de leurs moyens financiers, via des subventions de fonctionnement, il faut rapidement instituer un nouveau statut pour l’élu associatif bénévole, une reconnaissance juridique de l’utilité sociale des associations d’éducation populaire. Une nouvelle place doit être accordée aux associations d’éducation populaire dans les lieux de concertations publiques, à tous les échelons de la nation. Savez-vous que les associations, créatrices d’emplois, représentent un poids économique très important ? Savez-vous qu’elles sont aujourd’hui souvent en première ligne – et seules – pour tenter d’arrêter le délitement du lien social dans les zones rurales, dans les quartiers populaires désertés par les services publics ?

De nouveaux acteurs (collectifs, Scop…) qui émergent à côté des grandes fédérations d’éducation populaire (Ligue de l’enseignement, Fédération Léo Lagrange, Francas…), dénoncent une dérive vers des activités socioculturelles. Ils appellent à une « éducation populaire politique ». N’est-il pas temps de redéfinir ce qu’est l’éducation populaire, et ses acteurs ?

Gwendal Ropars. N’est-il pas temps plutôt de reconnaître ce qu’apporte l’éducation populaire à notre société ? Que ce soit les petites associations ou les grosses fédérations, qu’elles soient nées à la fin du siècle dernier ou il y a peu, toutes participent à un même projet de transformer cette société afin de permettre à chaque personne, à chaque groupe de personnes d’avoir sa place dans la société, de permettre à chaque personne, à chaque groupe de personnes d’être debout et respectés et de les mettre au centre !

Marc Charbonné. Des Amap aux Enfants de Don Quichotte, chaque création d’association répond à un besoin, dévoile une faille de notre système, questionne notre société et nos modes de vie. Faire de l’éducation populaire est un acte politique ! L’émergence de nouveaux acteurs n’est donc pas une forme de dénonciation de l’impuissance ou de mal-faire des associations ou fédérations « historiques », mais plutôt une dynamique complémentaire avec des modes d’actions souvent différents, mais bénéfiques pour tous. Alors oui, redéfinissons l’éducation populaire dans la dimension politique de son action, des valeurs humanistes qu’elle défend, des méthodes pédagogiques qu’elle emploie et du bénéfice citoyen qu’elle recherche !

Marc Lacreuse. Peu avant la présidentielle, nous avons décidé de créer un 
collectif consacré à l’éducation populaire au sein du Front de gauche parce que nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un enjeu de société majeur pour notre pays. Nos travaux, qui ne font que commencer, se sont attachés dès l’origine à contribuer à cette émancipation démocratique qui nous fait tant défaut aujourd’hui… Les initiatives à venir sont foisonnantes, initiées par des fédérations d’élus communistes et républicains que cette montée en puissance de l’éducation populaire intéresse au plus haut point, par des coopératives telles que Le Pavé ou par des revues telles que Résonnances qui prépare un rendez-vous important de consultation démocratique à l’automne… Ces initiatives permettront sans nul doute de faire grossir encore le camp des citoyens qui ne se contentent plus du monde tel qu’il est, et aspirent à son changement en s’y impliquant non pas simplement et seulement lors des consultations électorales mais au quotidien. Il y a suffisamment de conviction et de culture 
en chaque être humain pour rendre cette avancée possible. C’est une urgence démocratique que de contribuer à libérer la capacité d’agir du peuple et les intelligences collectives dont il est porteur.

Dix raisons d’aimer 
l’Éducation populaire

Clémentine Autain, Julien Bayou, Emmanuelle Cosse... 
ces militants politiques bien connus se sont formés 
à travers les réseaux d’éducation populaire, comme d’ailleurs le premier ministre, Jean-Marc Ayrault (issu du Mouvement 
rural de la jeunesse chrétienne). 
Dans ce livre, édité par 
les éditions de l’Atelier, 
ils donnent à voir avec une dizaine de militants – pas forcément devenus des leaders politiques – leur expérience 
de l’éducation populaire.

« L’éducation populaire, Monsieur, ils n’en ont 
pas voulu ! »

Christiane Faure.

Cette professeure de lettres à Oran, belle sœur d’Albert Camus, se voit confier en 1944 un « bureau d’éducation populaire », créé par Jean Guéhenno. 
Son ambition de mettre 
en place un système d’éducation démocratique, critique ou politique des jeunes adultes 
sera abandonnée quatre ans 
plus tard. Une histoire 
racontée par Franck Lepage dans sa conférence gesticulée Inculture(s).

À voir absolument sur le site :

 

www.scoplepave.org.

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commentaires

M
Merci pour l'article....<br /> En espérant que l'idée de relancer l'éducation populaire ne reste pas qu'une idée !
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