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27 novembre 2017 1 27 /11 /novembre /2017 21:30
Ce matin devant le siège de la Commission européenne à Bruxelles, des militants manifestent contre le renouvellement du permis du glyphosate. Photo : Emmanuel Dunand/AFP

Ce matin devant le siège de la Commission européenne à Bruxelles, des militants manifestent contre le renouvellement du permis du glyphosate. Photo : Emmanuel Dunand/AFP

Jean-Jacques Régibier - Lundi, 27 Novembre, 2017 – Humanite.fr

 

En passant du camp des abstentionnistes à celui des partisans de la prolongation, l’Allemagne a fait pencher de manière décisive la décision de l’Union européenne en faveur d’un renouvellement de l’autorisation du glyphosate dans l’UE pour 5 ans.

On la disait paralysée par ses négociations gouvernementales, excluant qu’elle puisse décider d’une mesure aussi impopulaire auprès des écologistes allemands que la prolongation de l’autorisation du glyphosate en Europe. Erreur. Contre toute attente, Angela Merkel a fait passer en 15 jours l’Allemagne d’un vote d’abstention à un vote POUR l’autorisation de l’herbicide controversé de Monsanto. Compte tenu de l’importance de la population allemande dans l’UE (elle représente 16% de la population globale de l’Union), l’Allemagne a en effet permis de faire pencher la balance en faveur de la prolongation.

Ce revirement était décisif puisque rappelons que pour passer, la proposition de la Commission européenne avait besoin de disposer d’une majorité qualifiée d’au moins 55% des Etats membres représentant 65% de la population européenne. Or avant aujourd’hui, ce chiffre n’avait pas été atteint. Avec le renfort de l’Allemagne, ainsi que de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Pologne, qui elles aussi s’était abstenues lors de la précédente consultation début novembre, la prolongation a été obtenue de justesse : les 18 pays pro-glyphosate représentent exactement 65,71% de la population européenne.

Sans l’Allemagne, ce chiffre n’aurait pas pu être atteint. Y-a-t il un rapport entre ce volte-face de l’Allemagne et le fait que la compagnie allemande Bayer va racheter Monsanto, l’actuel fabricant américain du glyphosate ? Il  est clair en tous cas qu’Angela Merkel aurait voulu favoriser la société allemande qui va désormais tirer des bénéfices de la vente du glyphosate, qu’elle ne s’y serait pas prise autrement.

9 pays contre, dont la France

Les autres pays ont maintenu la position qu’ils avaient adoptée il y a 15 jours. Dans le camp des abstentionnistes, ne reste que le Portugal. Ont voté contre la proposition de la Commission européenne de ré-autoriser le glyphosate pour 5 ans, 9 pays qui ne pouvaient en aucun cas se prévaloir, ni de la majorité numérique, ni de leurs population qui ne représente que 32% des habitants de l’Europe: la Belgique, la Grèce, la Croatie, le Luxembourg, Malte, la France, l’Autriche, l’Italie et Chypre.

La France avait annoncé qu’elle s’opposerait au renouvellement du glyphosate pour 5 ans, ce qu’elle a fait, mais sans qu’on sache plus précisément quelle est sa proposition. Ce matin sur France Info, la secrétaire d’état auprès du ministre de la transition écologique, Brune Poirson, a répété que « l’enjeu est de sortir le plus rapidement possible de cette substance chimique, en tous cas en France, » en refusant de préciser sous quels délais pourrait s’effectuer cette sortie du glyphosate ( « on ne va pas chipoter sur les années, » a-t-elle ironisé ), sachant que ce n’était pas non plus la question du jour.

Dans ce contexte de propos approximatifs, le député socialiste européen Eric Andrieux ( S et D ), qui a déjà alerté à plusieurs reprises sur les ambiguïtés de la position française, rappelait, avant le vote de cet après-midi à Bruxelles, qu’il fallait en rester aux faits : « le gouvernement français est pour un renouvellement de 3 ans de cette molécule potentiellement cancérigène pour 500 millions d’Européens, » expliquait-il.

« Il ne suffit pas de s’opposer au renouvellement du glyphosate, il faut l’interdire. »

Rappelons également qu’à aucun moment la Commission européenne n’a proposé l’interdiction du glyphosate, comme de nombreux députés européens le souhaitaient, et comme ils l’avaient voté au Parlement européen dans une résolution non-contraignante (nous en avons une preuve ironique aujourd’hui) demandant la fin du glyphosate en Europe d’ici 2022. « La seule perspective acceptable est l’interdiction pure et simple, » martelaient hier encore les Verts (Verts-ALE). Même position du côté de la Gauche unitaire européenne dont l’un des députés, Younous Omarjee (GUE-GVN) rappelait ce matin  qu’« il ne suffit pas de s’opposer au renouvellement du glyphosate, il faut l’interdire. »

Le glyphosate, le désherbant de Monsanto le plus vendu au monde,  jugé potentiellement cancérigène par une Agence de l’OMS, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), a donc de beaux jours commerciaux devant lui. D’autant que cette réautorisation ne signifie pas du tout que le glyphosate disparaitra dans 5 ans, bien au contraire. D’abord, comme le rappelle Eric Andrieux, c’est techniquement impossible, car « en prenant en compte la réglementation européenne sur les pesticides, on est reparti pour 8 ans minimum de glyphosate, » explique-t-il. Il reste cependant une alternative, c’est que les pays qui veulent aller vers la fin du glyphosate, interdisent eux-mêmes ce pesticide sur leurs territoires. C’est, en principe, juridiquement possible.

 

Que va faire la France ? Si, comme le souhaite Nicolas Hulot et sa secrétaire d’État, elle veut s’engager dans la voie de l’interdiction, la voilà donc qui se retrouve, après le vote de Bruxelles, au pied du mur.

 

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