Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 21:09
Vendredi, à Paris, lors des négociations entre les syndicats et Medef Photo : Hamilton/REA

Vendredi, à Paris, lors des négociations entre les syndicats et Medef Photo : Hamilton/REA

Yves Housson -Lundi, 2 Novembre, 2015 -L'Humanité
 
 
L’accord sur les retraites complémentaires, validé vendredi par trois syndicats et le patronat, se solde par 6 milliards d’euros d’« économies », réalisées essentiellement sur le dos des retraités et des salariés.
Il introduit une nouvelle arme contre le droit à retraite : un bonus-malus qui porte, de fait, l’âge de départ à 63 ans !
L’âge de départ à la retraite ajusté selon les vœux du Medef !

Un « tabou » a été « levé ». « Inciter les gens à travailler plus longtemps, et donner un système optionnel de retraite à la carte, c’était mon objectif de départ. À l’arrivée, cet objectif est atteint. » Le représentant du Medef, Claude Tendil, ne cachait pas sa joie vendredi au terme de la négociation sur les retraites complémentaires. Le texte validé par trois syndicats (CFDT, CFTC, CGC) et le patronat, refusé par la CGT et FO, lui donne, il est vrai, amplement satisfaction. Au nom de la sauvegarde des régimes Arrco et Agirc en déficit, l’accord, qualifié par la CGT de « perdants-perdants », fait porter la quasitotalité de l’e‚ffort d’équilibre sur les retraités et les salariés, par le biais d’une série de mesures d’une sévérité sans précédent. Et, sous l’étiquette attrayante de « liberté de choix », il introduit dans le système une nouvelle arme contre le droit à une retraite décente : un bonus-malus, dont le premier e‚ffet est de porter l’âge e‚ ectif de départ à 63 ans.

La facture la plus lourde sera payée par les retraités. Selon l’accord, pendant trois ans (2016-2019), les pensions versées par l’Arrco et l’Agirc seront revalorisées en fonction de l’inflation moins un point (avec une clause plancher pour empêcher une diminution en valeur absolue). Une mesure, déjà appliquée depuis 2013, qui entraîne une perte de pouvoir d’achat. De surcroît, la date de revalorisation est décalée d’avril à novembre. Soit, au total, à l’horizon 2020, une ponction de 3,4 milliards d’euros sur le compte des 12 millions de retraités du privé. Les salariés, eux, sont touchés par l’augmentation du prix d’achat du point, qui provoque une diminution du rendement des régimes, et leur prépare un niveau de retraite complémentaire plus faible qu’aujourd’hui.

L’âge de départ à la retraite ajusté selon les vœux du Medef !

La décote aggravera encore 
les inégalités subies par les femmes

S’ajoute à cela la mise en place, à partir 
de 2019, d’un mécanisme de bonus-malus. Un salarié disposant de toutes ses annuités et qui voudra prendre sa retraite à 62 ans verra sa pension complémentaire amputée de 10 % pendant deux ans, voire trois. Il n’aura pas de malus s’il travaille un an de plus. Et il touchera un bonus de 10 % s’il prolonge son activité de 2 ans (20 % pour 3 ans, 30 % pour 4 ans). La décote est loin d’être symbolique : la retraite moyenne versée par l’Arrco étant de 313 euros, et de 718 euros pour l’Agirc (régime spécifique des cadres), elle représente un manque à gagner par an de plus d’une mensualité (372 euros à l’Arrco, 852 euros à l’Agirc). Elle pénalisera tout particulièrement les quelque 56 % de salariés qui, au moment de partir, sont déjà relégués hors activité, au chômage ou en longue maladie. Elle aggravera encore les criantes inégalités subies par les femmes, qui partent déjà en retraite huit mois plus tard que les hommes, et dont les pensions sont inférieures de 40 % à l’Arrco et de 60 % à l’Agirc. Le système sera applicable aux salariés ayant eu une « carrière longue » et pouvant actuellement partir à 60 ans. Seuls les retraités dont les pensions sont assez basses pour être exonérées de CSG échapperont à la décote.

L’âge légal, « c’est toujours 62 ans », les gens « feront leur choix », argue François Hollande. C’est faire bon marché de la contrainte financière qui pèsera sur ce « choix ». C’est aussi ignorer l’aspiration massive de salariés usés par leur travail à partir « le plus tôt possible ». En réalité, cet accord va reporter, pour beaucoup, l’âge effectif de départ à 63 ans. Et il constitue une incitation directe, pour le pouvoir politique, à en tirer les conséquences dans le régime de base de la Sécurité sociale, ainsi que pour la Fonction publique. Thibault Lanxade, vice-président du Medef, le dit sans ambages : « L’accord acte qu’il faut prolonger la durée du travail jusqu’à 
63 ans », et cela devrait « faire tache d’huile sur le régime général et celui des fonctionnaires ».

L’âge de départ à la retraite ajusté selon les vœux du Medef !

Pierre Gattaz a prévenu : il en ira 
de même pour l’assurance chômage

Le mécanisme de décote figurera parmi les leviers à la disposition du nouveau régime unifié qui, au terme de l’accord, devrait succéder à l’Arrco et à l’Agirc à compter de 2019. Fixée à 10 % aujourd’hui, elle pourra alors être alourdie au gré des besoins de financement. Le message est clair : il revient aux salariés eux-mêmes d’assurer l’équilibre du régime, soit en travaillant plus soit en touchant une retraite amoindrie. Ils perdent ainsi toute visibilité quant à leurs droits futurs. Avec la disparition de leur régime spécifique, les cadres, eux, sont plongés dans l’incertitude quant à la reconnaissance de leur statut, donc de leur qualification, aujourd’hui liée à l’affiliation à l’Agirc.

Au total, l’effort d’équilibre financier des régimes sera de 6,1 milliards d’euros en 2020, dont 88 % reposeront sur les salariés et les retraités. Le Medef a certes fini par accepter une hausse limitée des cotisations patronales, de 700 millions d’euros. Mais dans le même temps – le négociateur du Medef, Claude Tendil, parle sans rire d’une simple « concomitance » –, il a obtenu du gouvernement Valls une baisse d’un montant équivalent de ses cotisations à la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécu.

Cet accord illustre ainsi l’emprise exercée par le patronat, avec la complicité du gouvernement, sur une protection sociale ravalée au rang de « charge » et de plus en plus transformée, à l’encontre de sa finalité, en variable d’ajustement de la compétitivité. Un patronat qui ne souffre plus la moindre contribution supplémentaire des entreprises (Pierre Gattaz a déjà prévenu qu’il en irait de même lors de la prochaine négociation sur l’assurance chômage). On l’avait vu en 2014, lorsque le gouvernement Ayrault s’était résolu à légèrement augmenter (+ 0,3 %) la cotisation à la branche retraite de la Sécu : peu après, dans le cadre du pacte de responsabilité, il lâchait une compensation au Medef sous forme d’une baisse des cotisations des entreprises à la branche famille.

Les propositions faites par la CGT balayées par le Medef

Durant la négociation, le Medef a balayé d’un revers de la main les propositions faites par la CGT pour financer les complémentaires sans imposer de sacrifices sociaux, mais avec une augmentation de cotisation à l’Agirc et en imposant une contribution spécifique aux entreprises ne respectant pas l’égalité salariale hommes-femmes. Soulignant que cet accord ne prendra pleinement effet qu’à partir de 2019, la CGT appelle les salariés à intervenir d’ici là pour « imposer des alternatives de progrès ».

Insupportables hausses d’impôts des retraités modestes. Jusque-là exonérés, 250 000 retraités aux revenus modestes viennent de se voir réclamer le paiement d’impôts locaux (taxe foncière et taxe d’habitation) en raison de l’application d’une décision prise sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Désormais, la demi-part fiscale accordée aux veufs et veuves et aux parents isolés n’est plus prise en compte (à compter de 2014) dans le calcul de l’impôt. « Cela n’est pas acceptable et nous allons faire tout ce qui est nécessaire pour rétablir les choses », a noté hier le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, dans les colonnes du JDD. La veille, Manuel Valls s’était engagé à « neutraliser l’impact d’une situation aussi brutale qu’injuste ». Il y a urgence, car des personnes percevant à peine 1 000 euros mensuels se sont vues réclamer de 500 à 1 000 euros  pour l’année fiscale.
L’âge de départ à la retraite ajusté selon les vœux du Medef !
Partager cet article
Repost0
1 novembre 2015 7 01 /11 /novembre /2015 21:06
AFP

AFP

Eugénie Barbezat - Dimanche, 1er Novembre, 2015 - Humanite.fr

 

A l’appel d’un collectif de femmes plus de 10 000 personnes ont marché samedi 31 octobre entre Barbès et Bastille pour alerter contre les discriminations.

« Justice, réparations, unité », « Nos quartiers ne sont pas des stands de tir » ou encore « Zyed et Bouna, on n’oublie pas », scandait la foule, dix ans après la mort dans un transformateur électrique de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) de Zyed Benna et Bouna Traoré alors qu’ils étaient pourchassés par des policiers.

 

Le succès de la manifestation fait la fierté d’Amal Bentounsi, la porte-parole de la Marche des femmes pour la dignité (Mafed), à l’initiative de l’événement. La jeune femme, qui s’est engagée dans un combat militant après la mort de son frère,  tué d’une balle dans le dos par un policier à Noisy-le-Sec le 21 avril 2012, avait obtenu un soutien de poids en la personne d’ Angela Davis. La militante américaine des droits civiques, après avoir entendu son témoignage, s’est proposée comme marraine de cette marche qui comptait parmi ses soutiens, en fin de cortège des militants communistes, du Parti de gauche, d'Europe Écologie Les Verts (EELV) ou du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).

 

 « C’est une réussite d’autant  plus appréciable que nous avons organisé cette manifestation de manière totalement indépendante, précise Amal. Nous avons agi par nous et pour nous.  Cette marche a permis d’affirmer que nous existons dans notre pays qui se targue d’être celui des droits de l’Homme, mais où on est mis de côté, stigmatisés et violentés à longueur d’année. Il faut une volonté politique et une parole forte de la part de ceux qui nous gouvernent pour que cela change. »

Pour Sihame Assbague du collectif « stop contrôle au faciès » : « Aujourd’hui, grâce à cette mobilisation la dénonciation des violences et des crimes policiers n’a jamais été aussi visible ! La société civile a pris conscience qu’il ne s’agit pas de simples bavures mais d’une violence institutionnalisée : quinze personnes par an meurent du fait de violences policières. Et cela fait des décennies que cela dure. François hollande, durant sa campagne avait promis l’instauration de la délivrance d’un récépissé après chaque contrôle d’identité, or ce n’est toujours pas le cas…»

L’important pour la chanteuse Bams, qui , avec les rappeurs Médine, Disiz, Tunisiano, et Kery James a participé au grand concert qui a clôturé la manifestation Place de la Bastille, c’est que des femmes puissent se réapproprier leur parole : « Les femmes noires, arabes ou rom trop souvent assignées au rôle de victimes dans les médias. « Nous sommes libres et solidaires de nos frères, nos maris,  nos enfants victimes de discrimination’ », ont-elles affirmé samedi. Il faut maintenant que les journalistes relaient.»

Amal Bentounsi raconte l’événement dramatique à l'origine de son engagement : la mort de son frère, le 21 avril 2012 sous les balles d'un policier.

Partager cet article
Repost0
30 octobre 2015 5 30 /10 /octobre /2015 18:08

Le patronat et trois syndicats (CFDT, CFTC, CFE-CGC) ont validé l'accord destiné à renflouer les caisses des retraites complémentaires Agirc-Arrco, ont annoncé les participants à l'issue d'une ultime séance de négociations au siège du Medef.

 

Cet accord, qui doit être formellement signé dans les jours qui viennent, incite les salariés à travailler une année de plus à partir de 2019, une fois réunies les conditions d'une retraite à taux plein. Sinon, ils subiront une décote de 10% de leur pension complémentaire pendant deux, voire trois ans.

La CGT et FO, non-signataires, dénoncent un accord douloureux et déséquilibré. FO a ainsi calculé que sur 6,1 milliards d’euros d’économies programmées à l’horizon 2020, « les employeurs participent au mieux pour 660 millions ».

Un collectif d’associations (Osez le féminisme !, le Planning familial, la Fondation Copernic, Attac et les Effronté-e-s, e) a diffusé un appel à ne pas signer cet accord, car il estime que « les sacrifices que vous leur imposez seront particulièrement discriminants pour les femmes », dont les carrières sont plus courtes et les pensions plus modestes, en moyenne.

Enfin, à la CFDT, où le syndicat métallurgie du Pays basque a fait connaître son mécontentement, dans une lettre révélée par Le Parisien, « il y a des débats, reconnaît Jean-Louis Malys, en charge du dossier, et c’est légitime car c’est un accord qui demande des efforts mais une grande partie de l’organisation reconnaît qu’ils sont nécessaires ».

Ce texte, qui demande effectivement des efforts d’une portée inédite, et prolonge ainsi la décision prise en 2013 de revaloriser toutes les pensions un point de moins que l’inflation. L’accord décale ensuite de mai à novembre la date de revalorisation annuelle des pensions, pour une économie de 1,3 milliard. Il augmente aussi le coût d’achat du point, ce qui diminue le rendement de la cotisation.

Surtout, mesure phare, l’accord crée un bonus-malus, appelé « coefficient de solidarité », destiné à encourager les actifs à travailler plus longtemps que l’âge légal (62 ans) et la durée d’assurance minimum (entre 41,5 et 43 ans selon l’année de naissance).

Ainsi, à partir de 2019, un salarié qui souhaitera partir dès 62 ans tout en disposant de toutes ses annuités, pourra toujours le faire mais il verra sa retraite complémentaire amputée de 10 % pendant trois ans. Il retrouvera ensuite sa pension sans décote à taux plein à partir de 65 ans.

Si ce même salarié décide de travailler un an de plus, jusqu’à 63 ans, ce malus sera annulé. Et, s’il reste deux ans de plus en activité, il bénéficiera d’un bonus, pendant un an, de 10 %, de 20 % s’il travaille trois ans de plus, voire de 30 % pour quatre ans de plus.

Toutefois, les quelque 30 % de retraités qui du fait de leurs revenus très modestes sont exonérés de CSG y échapperont. Et les quelque 15 % qui acquittent un taux de CSG réduit verront ce malus réduit à 5 %.

L’accord acte l’augmentation de différentes cotisations, patronales mais aussi salariales. Il est également question de programmer, pour la future négociation sur l’assurance-chômage une nouvelle taxe sur les ruptures conventionnelles qui concernent les seniors.

Le Medef, qui refusait au départ toute hausse de cotisation côté employeurs, a donc finalement accepté. Toutefois, Pierre Gattaz, le patron du Medef, a créé la surprise en affirmant avoir mené « une négociation dans la négociation » pour obtenir en compensation une baisse des cotisations à la branche accidents du travail/maladies professionnelles (AT/MP).

Une affirmation que le gouvernement ne souhaite pas confirmer, sans pour autant l’infirmer. « À aucun moment il n’a été question de ça dans la négociation et si le Medef l’a obtenu du gouvernement nous nous y opposerons quand il en sera question », réagit Jean-Louis Malys, à la CFDT.

 

Enfin, l’accord met en chantier l’unification, à partir de 2019, de l’Agirc, caisse réservée des cadres, et l’Arrco, caisse qui concerne tous les salariés, ce qui permettra de mutualiser les réserves, qui sont déjà quasi à sec pour la première.

 

Retraites complémentaires : signature d'un accord "douloureux et déséquilibré"
Partager cet article
Repost0
27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 21:19
Révoltes urbaines de 2005

Le 27 octobre 2005, la mort de Zyed et Bouna, électrocutés dans un transformateur électrique de Clichy-sous-Bois lors d'une course-poursuite avec la police avait provoqué de nombreuses révoltes sociales qui dureront près de quinze jours et qui s’étendront à de nombreux quartiers populaires.

Dix ans après, la situation dans les banlieues a-t-elle évolué ?

Photo : Joël Saget/AFP

Photo : Joël Saget/AFP

État d’urgence ?

Par Patrick Apel-Muller - Mardi, 27 Octobre, 2015 - L'Humanité

DR

DR

« Tandis que des dizaines de milliards d’euros ont été déversés vers les actionnaires du CAC 40, les quartiers populaires n’ont connu que l’emplâtre des politiques de rénovation urbaine. »

Et puis, la mort de deux adolescents poursuivis par la police a mis le feu aux poudres des discriminations, des humiliations, des pauvretés. La révolte des banlieues en 2005 a renvoyé à la France ce qu’elle est en son cœur, non pas celui des quartiers chics qui regarde les faubourgs comme un péril, mais ce peuple jeune, bigarré, précarisé. La droite y a vu une menace, instaurant un état d’urgence – qui prévoyait le couvre-feu, les assignations à résidence, les perquisitions sans juge, les interdictions de séjour, le contrôle de la presse, la limitation des réunions ou la justice militaire – et redoublant sa campagne de stigmatisation des quartiers populaires. Le Parti socialiste a vu dans cette colère une mine qu’il a exploitée en 2012 pour finalement laisser les populations sur le carreau. Car, dix ans plus tard, tout s’est aggravé. La violence sociale et les injustices se sont accrues ; la précarité s’est étendue ; les chemins des changements se sont perdus. Tous les soirs aux journaux de 20 heures, les caricatures de la banlieue font peur… L’état des lieux est incontestable et insupportable.

Tandis que des dizaines de milliards d’euros ont été déversés vers les actionnaires du CAC 40, les quartiers populaires n’ont connu que l’emplâtre des politiques de rénovation urbaine. Pourtant que de grands mots avaient lancé notre premier ministre ! Et que reste-t-il de sa prétention à combattre ce qu’il avait hasardeusement dénoncé comme un « apartheid » ? Une opération de communication, une de plus. Ou pire, une diversion. Les sifflets qui ont accueilli François Hollande il y a quelques jours à La Courneuve signalent un hors-jeu.

Loin du prêchi-prêcha de l’austérité, ces quartiers exigent ce que réclame la France : des emplois, des formations, des logements, des services publics, une école de l’égalité, plus de liberté et de justice.

Ce serait une révolution !

 

2005-2015. Dix ans après les révoltes urbaines !
Partager cet article
Repost0
26 octobre 2015 1 26 /10 /octobre /2015 21:55
AFP

AFP

Dimanche, 25 Octobre - Humanite.fr

 

Rémi Fraisse est mort il y a un an jour pour jour à Sivens. La Ligue des Droits de l'Homme publie à cette occasion un rapport, dénonçant le choix « délibéré » de « l'autorité politique » de faire exercer « par les forces de l'ordre un niveau de violence considérable » pour évacuer les opposants du site.

« Déficit démocratique » dans la décision de construction du barrage, « gestion catastrophique des opérations de maintien de l'ordre » et « désinformation organisée », la commission d'enquête citoyenne de la LDH fait un constat « accablant » des circonstances qui ont conduit au décès du jeune militant écologiste de 21 ans, tué par une grenade offensive lancé par un gendarme, dans la nuit du 25 au 26 octobre, sur le site de Sivens.
La commission composée d’une vingtaine de membres s'est basée sur l'exploitation d'articles, blogs, vidéos, et l'audition de 34 « militants zadistes, responsables politiques et associatifs locaux », témoins « de l'ensemble ou de certains événements » survenus sur la zone. Le président du conseil général du Tarn, le préfet et le commandant de gendarmerie n'ont pas souhaité être entendus, déplore-t-elle.
Ce rapport de 75 pages est accablant pour les forces de l’ordre. « Traîner par terre les manifestants sans ménagement, les pousser dans les fossés ou dans les ronces, leur donner des coups de pieds ou de matraque lorsqu’ils sont bloqués au sol, leur faire des clés de blocage des membres jusqu’à provoquer des luxations… Ces pratiques semblent avoir été fréquemment utilisées par les forces de l’ordre à l’encontre des opposants au barrage, quels qu’ils soient : occupants du site, habitants, syndicalistes ou élus s’opposant au projet de barrage » explique le rapport. 

Témoignage : « En arrivant à la maison des druides, nous découvrons des gendarmes qui avaient rassemblé les affaires de tous ceux qui occupaient la maison, et y ont mis le feu. Nous les insultons alors de « cerfs-volants » (entendre cerveaux lents), et face à nos insultes, ceux-ci se prépare pour nous charger mais sans pour autant faire une quelconque sommation. Lorsqu’ils commencent à avancer, je m’enfuis mais trébuche sur une chicane. Je me relève mais étant dès lors à leur portée, je suis frappée dans l’omoplate, dans la cuisse gauche. Face à la dureté du choc, je tombe. Au sol, ils continuent de me frapper avec une matraque. J’hurle. Ils me font une clé de bras et me traîne par les cheveux. Après m’avoir traîné sur plusieurs mètres, quelqu’un m’attrape et me met la lumière dans la figure en disant « alors, c’est qui cette petite merde que vous m’amenez ? »… une fois allongée, ils mettent leurs chaussures sur ma nuque et sur mes membres (articulations des bras, des jambes) en m’insultant continuellement de « petite pute », de « connasse », de « femelle »... A cet instant, tremblante, je me pose sincèrement la question de savoir s’ils vont me taper, voire me violer. Ils me fouillent et laissent tout sur place sauf le talkie-walkie que je n’ai jamais retrouvé depuis…. D’autres gendarmes en treillis m’amènent alors menottée dans le dos… je suis toujours tremblante et en état de choc. Un gendarme du PSIG de Gaillac me met finalement les menottes devant et me signifie mes droits, m’énonce que je suis placée en garde à vue. »

« La survenance d'un drame et la mort d'un homme étaient dans la logique du dispositif mis en place », explique le rapport qui ne se veut pas un procès des forces de l’ordre. La LDH demande d’ailleurs que lors d'opérations de maintien de l'ordre, « les ordres transmis par l'autorité civile soient désormais écrits et identifiables ». Cela permettra de clarifier la situation. Le rapport ne minimise pas non plus les violences des opposants du site, expliquant néanmoins que si « certains opposants ou prétendus tels, présentes sur le site le 25 octobre » (20 à 30 personnes), étaient venus « pour en découdre avec les forces de l'ordre », ils avaient « des moyens matériels limités » qui, « à l'exception de quelques rares engins incendiaires », n'étaient « pas de nature à mettre sérieusement en danger les forces de l'ordre ».

La secrétaire nationale d’EELV, Emmanuelle Cosse, dénonce une enquête sur la mort du jeune homme très insatisfaisante.  « Aujourd'hui, toute la lumière n'a pas été faite sur ce drame. On ne sait toujours pas ce qui a conduit un gendarme à jeter une grenade dans le dos du jeune homme. Sa famille demande toujours que justice soit faite. J'appuie leur demande. […] Nous aussi, militants écologistes, voulons savoir qui est responsable. Nous voulons comprendre l'enchaînement des décisions et connaître les responsabilités qui ont été prises avant, pendant et après le drame ».

Monument à la mémoire de Rémi Fraisse, érigé en une nuit sur le site du barrage de Sivens à Lisle-sur-Tarn le 20 octobre 2015. AFP

Monument à la mémoire de Rémi Fraisse, érigé en une nuit sur le site du barrage de Sivens à Lisle-sur-Tarn le 20 octobre 2015. AFP

Manifestation et recueillement. 250 personnes ont manifesté vendredi à Pont-de-Buis (Finistère) devant une usine de fabrication de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, « contre les armes de la police » et en souvenir de Rémi Fraisse. Mais ce dimanche, la marche d’hommage à Rémi Fraisse a été interdite à Sivens. Un moment de recueillement reste en revanche prévu. « Le collectif du Testet Attac et la Confédération paysanne appellent à se rassembler à Plaisance du Touch à 12h pour un pique-nique suivi à 13h30 d'un recueillement sur les pelouses du Lac Soûla (tout proche) ».

 

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2015 7 25 /10 /octobre /2015 10:28

Nous dédions cet article à toutes nos amies, à tous nos amis amoureux de ce sport, surtout aujourd'hui où, en plus, nous avons appris la défaite hier de l'ASM !

Lundi dernier, l'Humanité titrait en Une :

 

« Rugby français, année zéro ! »

Que cet article fasse progresser la réflexion !

 

À la fin du match de vendredi, perdu face à Nouvelle-Zélande, la défaite était à l’image de la saison des bleus.  Photo : Franck Fife/AFP

À la fin du match de vendredi, perdu face à Nouvelle-Zélande, la défaite était à l’image de la saison des bleus. Photo : Franck Fife/AFP

L'Humanité - Stéphane Guérard - Lundi, 19 Octobre

 

La fessée (62-13) reçue par les All Blacks et l’élimination historique des Bleus en quart de finale 
appellent à une refonte totale du rugby français.

Et maintenant, bon courage Guy Novès. Depuis ce lundi matin, le maître à jouer du Stade Toulousain est officiellement sélectionneur du Quinze de France. À lui de faire voguer le navire amiral du rugby tricolore qui, à force de voies d’eau depuis au moins quatre années, vient de sombrer avec joueurs, entraîneurs et dirigeants. Pour la première fois depuis 1991, les Français n’atteignent pas les demi-finales d’un Mondial. Pire : leur élimination restera dans les annales comme la plus grosse défaite de l’histoire des quarts de finale. Les « manchots » tricolores du foot ont connu leur Knysna. La bleusaille taquineuse de ballon ovale vient de vivre son Cardiff. Et c’est dans un car gris-bleu silencieux que le Quinze de France a quitté la Coupe du monde dans l’anonymat d’une équipe médiocre, elle-même oriflamme de structures sportives dépassées.

Non pas que les joueurs tricolores se soient montrés aussi impolis que leurs homologues du ballon rond en 2010. Au contraire, ils furent très charmants. Au moment d’aller à l’abattoir, menés par leurs sélectionneurs et leurs dirigeants, ils se sont battus avec leurs faibles savoir-faire de professionnels élevés en batterie, puis payés chèrement pour se rentrer consciencieusement dans le lard chaque week-end de Top 14. Tous ont été balayés lorsque le niveau de jeu s’est élevé, face à l’Irlande puis contre la Nouvelle-Zélande.

Il y a vraiment deux à trois classes d’écart entre les deux équipes

La claque est violente. Meilleur joueur du monde en 2011, le capitaine Thierry Dusautoir, qui a sans doute disputé son dernier match international, reste soufflé : « Sortir d’une compétition comme la Coupe du monde, c’est compliqué, mais de cette façon encore plus. On n’a pas eu d’espace pour exister. Chaque fois qu’il y a eu des prémices de rébellion, on s’est fait contrer. Il y a vraiment deux à trois classes d’écart entre les deux équipes. » Parmi les trente et un engagés dans la compétition mondiale, soit la crème de la crème française, seuls les Maestri, Picamoles, Fofana et Spedding ont montré qu’ils pouvaient suivre le rythme.

Le naufrage des joueurs est d’autant plus affligeant qu’ils ont été lestés par leurs entraîneurs sélectionneurs totalement hors sujet. En 2012, Philippe Saint-André (PSA) dresse pourtant le bon diagnostic en appelant ses troupes à se préparer à tenir cinquante minutes de temps de jeu effectif. Mais ses remèdes sont totalement anachroniques, s’en remettant à un jeu restrictif, sécuritaire et bodybuildé digne du rugby des années 1990 quand toutes les autres nations présentes en quarts ont privilégié le mouvement et la prise d’initiative. Schématiquement, quand la France rêve de devenir l’Angleterre de 2003, avec une défense de fer et un buteur hors pair, tous les autres se convertissent au French flair.

Ce projet contre nature, et à contre-courant de l’évolution de ce sport, a fini par donner un haut-le-cœur au rugby mondial. À l’image de l’ancien international anglais Stuart Barnes, qui espérait samedi dans l’Équipe que la France « se fasse écraser et qu’on n’en parle plus. Pourtant, Dieu sait si je l’aime. Mais là, elle représente tout ce que je déteste : du muscle et pas de créativité ». La logique sportive a respecté la morale du jeu. Une équipe de France à la petite semelle ne pouvait vaincre des All Blacks aussi ambitieux. Avec 20 victoires, 2 nuls et 23 défaites, le bilan de PSA est le pire de ces vingt-cinq dernières années.

Depuis quatre ans, les Bleus stagnent aux dernières places du tournoi des Six-Nations et ne gagnent plus contre l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud ou le pays de Galles. Mais comment en aurait-il été autrement avec un sélectionneur aussi indécis ? Saint-André a testé 82 joueurs, avec 17 formules différentes à la charnière, pour s’en remettre aux trois petits mois de préparation pré-Coupe du monde. « J’assume », a-t-il affirmé samedi soir après son ultime déroute. « Mais j’espère que le rugby français va se remettre en question et donner les moyens à ses joueurs d’être compétitifs, parce qu’on a des vrais talents. »

Tenter de changer le système, voilà peut-être le seul combat valeureux et sensé de Saint-André. Reprenant la cause de ses prédécesseurs, il s’est bagarré pour obtenir quelques jours de travail en plus avec ses sélectionnés. Il les a eus, à l’image du stage allongé de préparation au Mondial. Mais cette rustine déjà usitée en 2007 et 2011 n’a pu cette fois empêcher le naufrage. Car comme l’explique le vice-capitaine Pascal Papé, qui a annoncé sa retraite internationale samedi, « déjà en 2011, on le sentait : le rugby évolue dans tous les autres pays, sauf chez nous (…) Il faut que le rugby français se mette autour d’une table, qu’on pense un peu équipe de France. Sinon, tout prochain sélectionneur sera dans la galère. Cette Coupe du monde, c’est à l’image de ce qui ne va pas dans nos structures et dans notre rugby ».

Le tremblement de terre de Cardiff fera-t-il bouger les choses ?

Là encore, le diagnostic est connu de longue date. Le Quinze de France est la cinquième roue du carrosse français. Elle vivote, coincée entre une fédération gérée par des potentats aux rêves de grandeur (le grand stade d’Évry et ses 400 millions d’euros de budget) mais à la gestion à la petite semaine (à quoi a servi Serge Blanco en claquettes auprès des Bleus durant ce Mondial ?) et les clubs professionnels de l’autoproclamé meilleur championnat du monde, qui claquent leurs droits télé record en transferts non moins record, usent du ballon ovale pour se faire mousser ou spéculer dans l’immobilier. Pas sûr pour autant que le tremblement de terre de Cardiff et l’« alerte » envoyée par Pascal Papé fassent bouger tous les gouvernants de ce rugby de Clochemerle pathétique. Peut-être faudrait-il retirer le coq du blason des Bleus pour le remplacer par l’autruche ?

Grand chelem pour le sud ! C’est une performance inédite. Jamais dans l’histoire de la Coupe du monde de rugby, débutée en 1987, les équipes de l’hémisphère Sud n’avaient raflé les quatre places de demi-finalistes. Chose faite depuis ce week-end et sur le sol anglais, en plus ! Samedi, dans un match tendu, l’Afrique du Sud est venue à bout de coriaces Gallois (23-19) et a gagné le droit d’affronter la Nouvelle-Zélande dans cinq jours. Et hier, rebelote: l’Argentine a surclassé (43-20) une équipe d’Irlande courageuse mais limitée par les blessures. Elle sera opposée dimanche à l’Australie, bien bousculée hier par l’Écosse, mais finalement victorieuse (35-34) grâce à une ultime pénalité de Foley.
Partager cet article
Repost0
22 octobre 2015 4 22 /10 /octobre /2015 22:01

L'Atlas de la révolution climatique
Comment le réchauffement de la planète menace notre avenir,
En quoi l’écologie et le progrès humain sont inséparables,
Les analyses des plus grands noms de la cause climatique (Nicolas Hulot, Noami Klein, Vandana Shiva…),
162 pages, 80 cartes et infographies pour comprendre les grands enjeux climatiques.

A commander auprès d'un militant communiste de vos connaissances d'ici 15 jours (si vous n'en connaissez pas, vous avez toujours la possibilité de vous adresser à Michel Bouchet 7 rue Federico Garcia Lorca 63370 Lempdes Tél. : 04 73 61 62 50

A commander auprès d'un militant communiste de vos connaissances d'ici 15 jours (si vous n'en connaissez pas, vous avez toujours la possibilité de vous adresser à Michel Bouchet 7 rue Federico Garcia Lorca 63370 Lempdes Tél. : 04 73 61 62 50

 

Nous aurons bientôt l'occasion de vous inviter à une conférence / débat sur le sujet de la transition énergétique ! Nous comptons sur votre présence !

Partager cet article
Repost0
13 octobre 2015 2 13 /10 /octobre /2015 23:03

 

Spéciale dédicace ce soir à mes amies les plus chères, Virginie, Saïda, Danielle,... qui, je crois, se sont fait manipuler par les médias dominants !

NON! Les salariés d'Air France ne sont pas des criminels !
  • Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français :

« J’appelle le gouvernement à voter contre le plan de licenciements » 

« On voit bien le message que les faiseurs d’opinion veulent nous vendre avec les images des incidents de Roissy et maintenant les poursuites policières contre plusieurs salariés. Ces derniers seraient des espèces de sauvages sans foi ni loi, et les patrons des responsables injustement pris à partie. Les Français ne sont pas dupes, plusieurs enquêtes le montrent. Ce qui vient de se passer à Roissy est d’abord le signe de l’échec total du “dialogue social” à la mode du pouvoir. En fait de dialogue, les salariés n’ont droit qu’à la politique du fait accompli, au discours austéritaire, à l’appel aux sacrifices. Où est le dialogue quand on vous annonce, de manière froide et provocatrice, 2 900 suppressions de postes ? La colère sociale en France aujourd’hui est grande. La majorité des Français “aimeraient bien se rebeller mais ne le font pas”, disent les mêmes enquêtes. J’ajoute : ils ne le font pas encore. Car il existe une “hargne sourde que ressentent de nombreux Français derrière leur apparente résignation”. À cette colère, nous voulons ouvrir les chemins de l’espoir, montrer que d’autres politiques sociales et économiques sont possibles pour Air France. Pour ma part, je l’avais dit le 23 septembre dernier à Roissy, et je redis dans les colonnes du journal de Jaurès mon soutien complet aux salariés d’Air France dans leur bataille pour l’emploi, pour un travail de qualité, pour la sauvegarde et le développement de cette grande société. Non à la criminalisation de leurs actions, ou des syndicats. J’appelle le gouvernement, qui jusqu’à présent a laissé faire la casse sociale et le démantèlement de la compagnie, à prendre ses responsabilités en votant en CA contre le plan de licenciements et en permettant l’ouverture du dialogue social dans l’entreprise dont il est actionnaire. »

Magnifique intervention de notre ami et camarade, le Député André Chassaigne !

VIDEO. Des salariés d'Air France se rassemblent pour dénoncer la "criminalisation" du personnel

 

C'est un peu long, mais où l'on comprend l'agacement des salarié-e-s devant un comportement patronal aussi réactionnaire !

Partager cet article
Repost0
12 octobre 2015 1 12 /10 /octobre /2015 23:30
Photo Kenzo Tribouillard

Photo Kenzo Tribouillard

Jean Ortiz - Lundi, 12 Octobre, 2015

 

Je ne condamne pas. Je comprends et partage la colère des travailleurs d’Air France, traités de « voyous » par un politicien aux dents si longues qu’elles cirent les parquets patronaux.

Deux chemises déchirées, fussent-elles de luxe, n’égalent pas la suppression de 2900 emplois.

Ce matin, à six heures, des « meneurs » (cinq salariés, tous syndiqués à la CGT) ont été arrêtés à domicile comme de vulgaires délinquants... Jérôme Cahuzac, lui, eut droit à d’autres égards... Faut-il qu’elles aient peur les classes dominantes et leurs chiennes de garde pour aller si loin !

 

 

Depuis le début de « l’affaire Air France », leurs médias à la botte montent les « incidents » en épingle pour mieux paralyser et mater la « populace ». Celle qui, tellement exploitée, humiliée, n’en peut plus, et dont le désespoir devient parfois violent. On ne peut pas se foutre en permanence impunément de la gueule des travailleurs. Et la saignée s’accélère. Menaces sur l’APL, une loi de finances qui émane en réalité de la Troïka...

Ils ont peur, les possédants, peur pour leurs dividendes, leurs profits, leurs privilèges. Il est temps de leur faire encore plus peur et de commencer à les déshabiller, à les obliger à « tomber la chemise ».

 

Hollande, Valls et Macron ont engagé un bras de fer contre les luttes, ils peuvent s’y casser les bras. La répression, l’arrestation sans ménagement de salariés, de syndicalistes, exaspérés, est indécente, insupportable. La criminalisation de luttes justes rappelle les pires moments de notre histoire.

Partager cet article
Repost0
11 octobre 2015 7 11 /10 /octobre /2015 22:33
Photo Agence Rudy Ricciotti

Photo Agence Rudy Ricciotti

Cinq décennies après sa fermeture, le musée-mémorial du camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) a été inauguré.

Un lieu de mémoires "enfouies" qui entend résonner avec les migrants du XXIe siècle, là où échouèrent près de 60.000 Espagnols, juifs, tziganes et harkis,

Cinquante ans après, le camp de Rivesaltes révèle ses mémoires enfouies !
L'historien Serge Klarsfeld l'a appelé le "Drancy du Sud" mais Rivesaltes n'était pas seulement un camp de déportation de juifs de France. "C'est un cas unique en Europe", selon Agnès Sajaloli, directrice du mémorial. "C'est le plus grand camp d'internement de l'Europe de l'ouest, qui recouvre trois guerres: une guerre civile, une guerre coloniale, une guerre mondiale".
Le site militaire Joffre de 600 hectares est transformé à partir de 1941 en camp pour une dizaine de milliers de républicains espagnols fuyant la dictature de Franco. Très vite, il renferme également 5.000 juifs dont la moitié seront déportés en Allemagne, des tziganes puis des collaborateurs et prisonniers de guerre, avant l'arrivée, vingt ans plus tard, de plus de 20.000 harkis au sortir de la guerre d'Algérie.
Leur point commun: être des "indésirables" du XXe siècle. "Ce sont toutes des populations considérées comme potentiellement dangereuses", a déclaré Abderahmen Moumen, co-auteur avec Nicolas Lebourg de "Rivesaltes, le camp de la France".
 
Le musée "regarde le XXe siècle à hauteur d'homme, à hauteur de déplacé, dans le regard de la souffrance des hommes", commente le réalisateur José Alcala, responsable de l'iconographie du mémorial. Près de 21 millions d'euros d'investissements et neuf mois de recherches ont été nécessaires pour "tirer les conséquences de l'Histoire". "Le plus difficile était de retracer la rudesse des conditions de vie dans le camp, et la répression" a-t-il déclaré.
 
Car dans les baraquements de l'armée, où s'engouffrent les vents violents, les déplacés luttent contre la vermine, la gale, la tuberculose, les maladies liées au manque d'hygiène. Il y a aussi le froid, la faim et le manque d'eau. Et puis les punaises qui "rentraient dans la bouche, dans les oreilles", se rappelle Antonio De la Fuente, républicain espagnol.
 
L'architecte du mémorial, Rudy Ricciotti, a voulu témoigner de "la mémoire enfouie". Il a conçu un monolithe de béton "un peu lourd sur la conscience", auquel le visiteur accède par une rampe partiellement enterrée. "C'est aussi le symbole de la destruction de la mémoire" a déclaré Denis Peschanski, qui préside le conseil scientifique du mémorial. "Après la Libération, on avait les camps mais on n'avait pas la mémoire. Depuis 1980, on a la mémoire mais on n'a plus les camps". Or, Rivesaltes, fermé officiellement en décembre 1964, est "le seul camp à être encore debout", souligne le directeur de recherches au CNRS, "le seul en France où l'on se rend compte de ce qu'a pu être l'internement".
 
Son inauguration vendredi par le Premier ministre Manuel Valls intervient à peine un mois et demi après la publication de la photo du petit Aylan, enfant syrien retrouvé mort sur une plage turque, qui a secoué les consciences sur l'accueil des réfugiés du XXIe siècle. "Le Syrien d'aujourd'hui n'est pas le juif d'hier, mais les réactions de peur, de rejet et de fermeture des Etats démocratiques, c'est le même mécanisme", estime M. Peschanski. "L'Histoire convoque le présent et nous éclaire sur l'avenir".
 
 
A Rivesaltes, la lutte des réfugiés espagnols contre la vermine et la faim
Sur la plaine fouettée par les vents, des baraques éventrées témoignent encore de la violence des éléments. Là, sur le camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), jusqu'à 9.000 Espagnols fuyant le franquisme se sont entassés luttant contre le froid, la vermine et la "maladie de la faim". Au cours de cet exode massif appelé la "retirada" (retraite des troupes), ce sont 475.000 personnes qui passent la frontière franco-espagnole dans des conditions très pénibles.
Pour le directeur de recherche au CNRS Denis Peschanski, président du conseil scientifique du mémorial, "ce qu'il faut retenir de la vie dans le camp, c'est la maladie". Il y eut "la maladie de la faim" ou cachexie, "symptôme avancé de nutrition très insuffisante", souligne-t-il. "Il y eut aussi les maladies liées à l'hygiène" car l'eau est polluée dès sa captation, près des latrines.
Partager cet article
Repost0