Guy Schmaus, sénateur honoraire communiste, fut pensionnaire de la maison d'enfants La Tourelle à St Julien de Coppel, entre 1943 et 1944, enfant juif, il fut hébergé là par les sœurs Gory, Isabelle Joséphine et Anne Marie Philomène !
Le 3 mars 2013 elles ont été reconnues « Justes parmi les nations » par l'organisation Yad Vashem, et, curieusement notre ami et camarade Guy n'a pas été invité à la cérémonie. Nous n'osons croire que cela soit du à son engagement politique, quoique ?
Notre camarade Guy Schmaus a souhaité réparer cet « oubli » en organisant une cérémonie samedi 30 août dernier en présence de sa famille, de ses camarades communistes du secteur, des élu-e-s Copelliens et de notre député André Chassaigne !
Ci-dessous une tentative de compte-rendu, forcément très imparfaite, de cette cérémonie très forte émotionnellement !
Les souvenirs de
C'était une maison d’enfants ?
Oui, nous avons été hébergés dans une maison d'enfants à Saint-Julien-de-Coppel, dans le Puy-de- Dôme, tenue par deux sœurs. Il y avait tous les âges - des enfants de l’Assistance publique -, du berceau jusqu’à dix ou douze ans. Cela s’appelait La Tourelle, à Saint-Julien-de-Coppel, près de Billom.
Les deux femmes qui nous ont accueillis savaient qui nous étions, mais elles n’ont jamais rien dit. C'était des sœurs, avec le voile, les prières, mais pas des religieuses appartenant à une congrégation. À l’époque, la religion était sous la coupe de Pétain. Pétain s'est servi des archevêques, de toute la hiérarchie mais là, il n’y avait aucune participation, c’était le côté social et humanitaire qui primait. C’est donc là que j’ai eu le premier contact avec la religion, la religion catholique, puisqu’on faisait notre prière le matin et le soir, et j’ai même failli devenir enfant de chœur. On est resté un an et demi, jusqu’à la libération.
J'y suis retourné cette année [en 2007, Ndlr], pour revoir l’endroit, un tout petit village. La Tourelle existe toujours, mais c’est devenu une propriété privée, il n’y a plus rien. C’était fermé, mais j’ai tout revu et j’ai filmé. La toiture a été refaite, mais pas les murs. Je revoyais très bien le facteur qui passait le courrier par la fenêtre, au rez-de-chaussée ; je me souvenais ce qui se passait. J’ai revu l’église aussi, tout à côté. C’était émouvant et amusant ; on reconnaît, plus ou moins, la mémoire n’est pas si défectueuse, il y a des points durs.
Quand vous vous séparez de vos parents, que vous disent-ils pour vous expliquer une chose pareille ?
Ils n’ont pas eu besoin de nous l’expliquer, on savait. On savait que mon père était juif, que les familles juives étaient persécutées, que c’était pour cela qu’on était caché dans cette maison.
Vous étiez les seuls enfants juifs ?
Il y avait aussi les deux filles de nos amis, à ma connaissance c’est tout. [Il semblerait qu'il y en ait eu plus. Ndlr] À ce propos, leur père a fait de la Résistance. Il s’appelait Jacques Korn, sa femme, Béatrice ; tous les deux ont disparu. Les deux filles, qui vivent toujours, s’appellent Jacqueline et Nadia, je les ai perdues de vue. Je suis allé à l’enterrement de Jacques, mais quand leur mère est décédée, elles ne m’ont pas prévenu, je n’étais pas très content. C’était vraiment des amis proches. Lui était communiste, donc il y avait des liens avec mes parents, même s’ils se disputaient de temps en temps. D’autant qu’il était fourreur aussi ; il avait une boutique rue de Vintimille, à Paris, derrière la place Clichy.
Quels souvenirs avez-vous du séjour chez les sœurs ?
On allait à l’école communale de Saint-Julien-de- Coppel (il n’y en a plus aujourd’hui). On s’en sortait quand même, on a réussi à suivre. C’était une classe à plusieurs divisions, nous étions une trentaine ou quarantaine, guère plus [déjà pas mal pour une classe unique ! Ndlr].
Il n'y a jamais eu aucun souci avec les gens du village ?
Aucun. On était simplement jaloux parce que les autres mangeaient mieux que nous : c’était des fils de paysans, ils avaient du pain, du beurre... Moi, ce que j'ai connu, c’était les restrictions.
Les parents des enfants versaient-ils une pension aux sœurs ?
Beaucoup étaient de l’Assistance publique, mais mes parents payaient une petite pension pour notre nourriture. On m’a dit justement que ces sœurs n'ont pas pu être considérées comme des Justes à cause de cette pension. Elles étaient deux, deux sœurs restées vieilles filles : l’une avait perdu son fiancé pendant la guerre de 14, l’autre n’en n'avait jamais eu. Elles avaient du personnel et étaient subventionnées [pas à la fin, voir ci-dessous, Ndlr].
Aviez-vous des nouvelles de vos parents ? Vous faisiez-vous du souci ?
Oui c'était la guerre. En représailles à un acte de résistance dans le secteur, cinq otages, des hommes du village désignés par les Allemands, ont été fusillés. Donc, sans être du tout liés à la Résistance, on avait des échos. Ça nous a évidemment frappés et pour ces gens du village, qui étaient des humanistes, c’était inacceptable. Nous étions là à la Libération, quand les FFI sont arrivés. Ils ont été accueillis à La Tourelle ! C’était la branche chapeautée par de Gaulle.
Et vos parents, que leur est-il arrivé ?
Ils sont restés un peu à Grenoble. Ils ont trouvé des amis, se sont cachés. Puis la situation s’est aggravée quand les Allemands ont occupé la ville à la place des Italiens. Ensuite mes parents sont partis se cacher en Haute-Loire, à Brioude.
C’est à partir de ce moment que nous avons eu la consigne de ne plus leur écrire : « Chers parents ». Je m’en rappellerai toujours, il fallait leur écrire au nom de M. et Mme Sormose, et les appeler : « Chers amis ». Je ne sais pas chez qui ils étaient. Mon père n’était plus très jeune, il s’était présenté comme engagé volontaire mais n’avait pas été pris. Pendant cette année et demie, il est venu nous voir une fois, c’est tout. Quand nos parents sont venus nous rechercher, ça devait être en décembre 1944, tout était encore très désorganisé, à peine quelques mois après la Libération.
L'histoire
Les sœurs GORY et leur mère, Marie-Célestine GAUDRY, avaient acheté, après la première guerre mondiale, la « Tourelle » à Saint-Julien-de-Coppel pour y créer une maison d'enfants. Cette maison recevait des enfants déficients à l'année et d'autres pendant les vacances.
A partir de 1940, les sœurs GORY, que les enfants appelaient Manette et Marraine, et leur mère « Mémée », prirent aussi en charge des orphelins de l'Assistance Publique, des enfants de prisonniers, de réfugiés et de juifs.
Dans cet établissement, il était plus facile de mélanger tous les enfants, sans distinction, et surtout de les protéger.
Manette et Marraine, qui étaient infirmières, assuraient les soins et Mémée, la couture et le ravaudage. Elles se débrouillaient seules avec l'aide des plus grands.
Très vite, le quotidien devint difficile et elles ne purent plus payer de personnel. Seuls des légumes fournis par le potager dont s'occupait un vieux jardinier et l'aide des villageois permirent de maintenir la vie au jour le jour.
Les enfants n'étaient pas déclarés comme Juifs. Ils allaient à l'école du village et, pour les plus grands, passaient leur certificat d’Études à Billom, localité proche. Ils allaient également à la messe du dimanche : aucune tentative de conversion n'a eu lieu.
A la libération en 1945, les parents survivants ont pu reprendre les enfants et une vie « normale » mais, hélas, beaucoup d'entre eux n'eurent pas ce bonheur et restèrent orphelins.
La petite histoire
Les allemands ont voulu perquisitionner "La Tourelle", ce que les ont bien volontiers accepté, mais juste en informant les soldats allemands que les enfants étaient victimes d'une épidémie d'oreillons. Bizarrement la soldatesque allemande a renoncé à la perquisition.
Il y a bien sûr d'autres petites histoires qui nous ont été contées pendant le vin d'honneur qui a suivi la cérémonie, par des Copelliens qui ont bien connu cette époque ou juste après, notamment sur la capacité d'une des à conduire sa 2chevaux et notamment à l'arrêter contre l'arbre en face du portail d'entrée, mais de cela nous ne vous parlerons pas !