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24 août 2015 1 24 /08 /août /2015 22:50

Désormais privé de majorité parlementaire après la scission d’une partie des élus de Syriza, le premier ministre grec cherche à reconquérir un mandat démocratique. Pour lui, il s’agit de neutraliser les mesures iniques dans le cadre étroit de l’accord extorqué par la troïka.

La Grèce continue à secouer l'Europe !
Sia Anagnostopoulou « En Grèce et en Europe, nous sommes plutôt au début de la lutte qu’à la fin »
 Picasa Ministre déléguée aux Affaires européennes du gouvernement grec, élue Syriza de Patras, Sia Anagnostopoulou explique les raisons 
qui ont poussé le premier ministre Alexis Tsipras à remettre sa démission et à organiser des élections anticipées en septembre.

Picasa Ministre déléguée aux Affaires européennes du gouvernement grec, élue Syriza de Patras, Sia Anagnostopoulou explique les raisons 
qui ont poussé le premier ministre Alexis Tsipras à remettre sa démission et à organiser des élections anticipées en septembre.

Athènes (Grèce), envoyé spécial.  

Alexis Tsipras a annoncé sa démission jeudi dernier. De nouvelles élections devraient avoir lieu le 20 septembre. Qu'est-ce qui a poussé le premier ministre grec à prendre cette décision ?
Sia Anagnostopoulou. Alexis Tsipras a mis en avant deux raisons que je partage. La première, c'est que notre parti, Syriza, s'est déchiré en interne. Nous étions terriblement divisés et, faute d'appuis dans son propre camp, le gouvernement a été soutenu par les partis totalement discrédités de l'ancien système, la Nouvelle Démocratie et le Pasok. Ce n'était pas supportable plus longtemps, c'était devenu très douloureux. La deuxième raison est beaucoup plus importante pour le peuple : nous avons gagné les élections le 25 janvier dernier en promettant de négocier un accord honnête permettant de changer la situation économique de la Grèce. Ce cycle de négociations s'est terminé avec l'accord de juillet. Cet accord est extrêmement pénible pour nous. Dès lors, à nos yeux, Alexis Tsipras est obligé de renouveler le mandat populaire. Je veux insister sur ce point : jusqu'à présent, les gouvernements disaient qu'ils étaient contre le mémorandum lors des campagnes électorales et, au bout d'un mois, sans se battre, ils signaient et ils continuaient de gouverner sans demander l'avis de quiconque ni s'adresser au peuple. Pour nous, pour un parti de gauche, c'est inadmissible : c'est au peuple de décider s'il approuve, ou pas, ce programme et notre démarche politique.
 
Cet accord est « pénible », avez-vous dit. Il reprend de nombreuses mesures refusées par une majorité écrasante des Grecs lors du référendum le 5 juillet... Quand on regarde, par exemple, le nombre d'entreprises ou de biens publics sur la liste des privatisations, c'est assez effarant. N’était-il pas possible de faire autre chose ?
Sia Anagnostopoulou. C'est sûr que cet accord ne correspond pas à ce que nous avions promis au peuple grec et que nous attendions nous-mêmes. C'est dans ce sens que je dis qu'il est pénible : c'est très difficile d'imaginer un développement économique, de la croissance dans le cadre de cet accord, avec des mesures si strictes et récessives. Le contexte financier est extrêmement serré. L'accord contient des dispositions très dures pour le monde rural et pour les classes moyennes. Ces privatisations sont totalement dépourvues de logique, cela ne fait pas de doute. Mais si on compare ce mémorandum avec les précédents, on doit dire quand même qu'il y a des améliorations : nous ne ferons pas de coupes générales des salaires et des retraites ; nous ne sommes pas condamnés à des excédents budgétaires aussi faramineux que les précédents. Mais la logique demeure la même, c'est le dogme néolibéral, c'est incontestable...
 
Si l'on reste sur l'exemple des privatisations, tous les économistes sérieux, et même les plus libéraux, estiment que l'objectif de 50 milliards d'euros qui proviendraient des privatisations est totalement irréaliste. Est-ce qu'il n'y a pas une fiction totale dans cet accord qui assigne au gouvernement grec des objectifs intenables ? Et du coup, pourquoi le gouvernement grec l'a-t-il accepté ?
Sia Anagnostopoulou. Ce que qu'Alexis Tsipras et les négociateurs ont voulu faire, c'est clair pour moi, c'est tout d'abord de gagner du temps et un peu de marge. Nous étions obligés d'accepter un accord, d'y consentir parce que la Grèce n'avait pas reçu d'argent des institutions européennes depuis plus d'un an. Tout était suspendu, et pendant ce temps, nous avons payé les dettes, avec les intérêts, par nos seuls impôts. L'Etat grec était au bord de la faillite. Nous avions une obligation envers le peuple grec de ne pas laisser perdurer la situation d'asphyxie totale. Les banques étaient fermées. On ne pouvait rien faire d'autre que chercher à gagner du temps. L'accord était nécessaire de ce point de vue.
Les dirigeants européens ont voulu en profiter pour humilier Tsipras et lui faire avaler un memorandum. Ils savaient que nous étions dans une nécessité impérative de trouver de l'argent et ils ont imposé un accord conforme aux dogmes néolibéraux. De notre côté, ce que nous avons demandé dans ces négociations, ce n'est rien d'autre que de prendre en considération les réalités sociales. Mais les dogmes néolibéraux ne prennent en compte que les réalités strictement financières. 
Ceci dit, je veux insister : ce gouvernement a réussi, malgré tout, quelque chose d'extraordinaire dans ces négociations. C'est ce qui me fait penser que nous sommes plutôt au début de la lutte qu'à la fin ! Avec ce memorandum, ça commence aujourd'hui. Tsipras a brandi un miroir devant le visage de tous les dirigeants européens. Et ce qu'ils ont vu, c'est un visage effrayant, celui du néolibéralisme brutal, incarné à la perfection par le ministre allemand des Finances Wolfgang Schaüble. C'est la première fois qu'une partie des dirigeants européens ont l'air de mesurer que le « problème grec » n'en est pas vraiment un, que c'est plutôt un problème européen. Oui, il faut affronter la crise des dettes souveraines à l'échelle européenne. 
 
Sur la dette, la porte est ouverte pour la première fois. Dans l'accord, il y a la promesse d'un examen, mais en même temps, on voit bien avec les tensions entre le Fonds monétaire international et les autres institutions que rien n'est joué...
Sia Anagnostopoulou. La lutte pour la réduction de la dette publique est à mener pour la Grèce mais aussi pour tous les Etats européens. La dette, ça n'est pas un problème grec. L'Italie est déjà confrontée à cette crise. La France ne va pas tarder à se retrouver dans la même situation. On ne peut pas détruire les structures sociales et l'Etat-providence pour résorber une dette dont tout le monde sait qu'elle est insoutenable. Pour moi, la lutte commence aujourd'hui et ça, en l'occurrence, c'est grâce à Syriza et à Alexis Tsipras ! A cet égard, cet accord est aussi une victoire...
 
Est-il encore possible dans le cadre de la mise en œuvre de cet accord de mener une politique de gauche ?
Sia Anagnostopoulou. Contre le maintien dans la zone euro, on nous a demandé d'accepter un memorandum. Dans la campagne électorale, nous nous étions engagés à chercher un accord dans le cadre de la zone euro. Nous n'avions jamais dit que nous envisagions une sortie de la zone euro. Mais face à un tel chantage, c'est beaucoup mieux que ce memorandum soit géré par un parti de gauche que par les autres. Car notre essence reste d'améliorer le sort des classes populaires. Sous les précédents gouvernements, on en était toujours à culpabiliser le peuple : le peuple était coupable de tous les maux. Avec nous, c'est différent. Le coupable n’est pas le peuple, ce sont les dogmes néo-libéraux.
 
Vous l'évoquiez un peu plus tôt, vingt-cinq députés quittent aujourd'hui Syriza pour constituer un groupe parlementaire et, dans la foulée, un nouveau parti politique, considérant que rien n'est possible dans le cadre du nouveau memorandum et que le gouvernement Tsipras trahit le « non » au référendum. Comment vivez-vous ces déchirures ?
Sia Anagnostopoulou. Pour nous tous, la période a été infernale. Ces députés étaient nos camarades. Nous avons mené de grandes luttes, ensemble pendant des années, dans la rue, au Parlement... C'est difficile de les voir aujourd'hui comme des adversaires. Pour moi, il aurait fallu rester unis, éviter cette division dans Syriza. Tous, au fond, nous étions d'accord qu'au moment précis de l'accord, il n'y avait aucune autre solution. Devant le groupe parlementaire de Syriza, Alexis Tsipras est venu demander des propositions. « Si vous voyez un autre moyen de sortir de la situation actuelle, faites-le moi savoir et je vais le suivre », a-t-il lancé devant nous tous. Les seules réponses qu'il a obtenues alors étaient  : « On ne peut pas sortir maintenant de l'Europe sinon c'est la catastrophe » ou après l'accord, « acceptons le plan Schaüble d'une expulsion de la zone euro ». C'était extrêmement dangereux. On le sait pourtant à gauche : quand les forces capitalistes veulent la rupture, cela signifie qu'elles y sont prêtes, qu'elles ont toutes les armes pour nous anéantir. Et je refuse que la gauche, et le peuple grec par la même occasion, soient anéantis.
 
Syriza a toujours été une coalition avec des différences... Le pluralisme interne n'était-il plus possible ?
Sia Anagnostopoulou. Pour moi, non, ça n'était plus possible. Lors du dernier vote au Parlement, ces députés n'ont pas fait que voter contre notre gouvernement, ils nous ont copieusement insultés dans l'Assemblée. C'est totalement inadmissible entre camarades. J'ai compris à ce moment-là qu'ils étaient prêts à créer leur propre parti.
J'ouvre une petite parenthèse : je comprends très bien que Zoe Konstantopoulou, la présidente du Parlement, défende la démocratie ; elle est en danger avec le memorandum, c'est vrai... Mais ça, ce n'est pas devant l'Assemblée grecque qu'il faut le dire, il faut le dire à l'Union européenne. On l'a vu pendant sept ans, ces memorandums sont votés ici en Grèce et ratifiés par d'autres parlements, mais la fonction des parlements nationaux demeure tout à fait formelle. Ils n'ont aucun pouvoir effectif. C'est soit on accepte, soit on refuse ! On ne peut pas discuter les mesures précises. Cela vaut pour les Grecs, mais pour tous les autres : les Allemands ne peuvent rien changer non plus ! Cela veut dire qu'on a un sérieux problème de démocratie en Europe. Cette architecture européenne écarte les parlements nationaux, comme d'ailleurs le Parlement européen... On a un problème au niveau européen, et pas au niveau grec. Ce n'est pas Tsipras qui mine la démocratie en Grèce.
Il n'y a pas d'enjeu démocratique plus important que la survie d'un peuple. Je ne pouvais pas voter contre le memorandum, avec le risque que le peuple grec soit entraîné dans une catastrophe du jour au lendemain.
 
Le parti créé par les dissidents, Unité populaire, accuse Alexis Tsipras d'opportunisme électoraliste. Sa figure de proue, Panayiotis Lafazanis, qui a été ministre jusqu'à la mi-juillet explique aussi que Syriza agit désormais comme les partis du vieux système grec... Comment réagissez-vous ?
Sia Anagnostopoulou. C'est très injuste. Lafazanis connaît très bien la situation... Il était un des ministres les plus importants du gouvernement. Par exemple, il sait parfaitement que Tsipras a cherché - avec lui d'ailleurs - de l'argent en dehors de l'Union européenne afin de desserrer l'étau, mais que ça n'a pas marché...
 
En Russie et dans les grands pays émergents – les Brics -, c'est ça ?
Sia Anagnostopoulou. Oui. Aucun n'a voulu nous avancer quoi que ce soit. Tous ont dit au gouvernement grec d'aller vers l'accord avec l'Union européenne.
 
Pourquoi Alexis Tsipras réclame-t-il l'implication du Parlement européen dans le contrôle de la mise en œuvre de l'accord ? 
Sia Anagnostopoulou. Pour moi, il s'agit d'améliorer le rôle du Parlement européen. C'est une institution de l'Union européenne. Ce parlement doit avoir un rôle. On connaît les rapports de forces dans le Parlement européen, mais à partir du moment où celui-ci suit l'application des mesures de l'accord, on peut espérer avoir des ruptures. On peut rendre visible le problème financier de l'Union européenne, c'est un problème qui doit être discuté sur le terrain politique. 
 
Mais le Parlement européen, c'est aussi le lieu de l'alliance au sein d'une grosse coalition entre la droite et les sociaux-démocrates...
Sia Anagnostopoulou. Les sociaux-démocrates doivent prendre une position sur l'Union européenne. Ils se sont alignés sur les forces néo-libérales en détournant la tête de ce qu'il se passe dans la société. S'ils veulent continuer d'exister, s'ils veulent avoir encore des raisons d'exister politiquement, ils doivent recommencer à regarder la société. Si les socialistes européens ne renouent pas avec leurs racines de gauche, ils sont perdus. 
 
Avec l'annonce des élections, jeudi dernier, on a assisté à un concert assez inédit d'encouragements, venus de Bruxelles ou de Berlin, par ceux-là qui n'avaient pas de mots assez durs pour fustiger l'attitude du gouvernement grec avant le 13 juillet... C'est un baiser qui tue ?
Sia Anagnostopoulou. On doit comprendre les manipulations. Entre janvier et juillet, le plan des institutions européennes était de pousser Tsipras à la démission et de donner le pouvoir aux forces austéritaires du système grec avec lesquelles les institutions travaillaient étroitement. Le référendum a été déterminant à cet égard. Tsipras a très bien fait de le faire, car les forces néolibérales européennes, en coalition avec leurs relais grecs comme Nouvelle Démocratie, le Pasok et To Potami, ont tout mis dans la balance pour le « oui ». Ce devait être la fin de Tsipras et du gouvernement Syriza. Quand elles ont vu que le « non » a recueilli plus de 62 %, ça a été le choc. Les institutions ne s'attendaient pas à un tel résultat, incapables d'imaginer qu'un peuple complètement asphyxié financièrement – et cette situation perdure d'ailleurs – avec les banques fermées, puisse soutenir aussi fortement le combat de son gouvernement. À partir de ce moment-là, en dehors du ministre des Finances allemand Wolfgang Schaüble, tous les autres ont fini par comprendre que la seule personne avec laquelle ils sont obligés de négocier, c'est Tsipras. Le formalisme démocratique européen est déterminant. Au fond, on ne prête aucune attention à la volonté du peuple, à ses références sociales, mais on est obligés de le faire de manière formelle.
Le sommet des chefs d'Etat de la Zone euro, le 12 juillet, c'est une victoire de Tsipras car les Européens, même Angela Merkel, ont dû s'asseoir autour de la même table que lui. Ils savent très bien que, s'ils veulent que la Grèce reste dans la zone euro, il n'existe qu'un seul interlocuteur : Tsipras. Les autres sont absolument détestables, ce sont eux qui ont conduit la Grèce dans la situation actuelle. Et de l'autre côté, le miroir que Tsipras a mis devant les visages des dirigeants européens, a renvoyé la véritable image de l'Union européenne, celle du néolibéralisme avec cette hégémonie allemande. Lors de la nuit interminable du 12 au 13 juillet, nous avons été obligés d’accepter l’accord pour ne pas renforcer l'hégémonie allemande... 
 
L'hégémonie allemande est-elle entamée, d'après vous ?
Sia Anagnostopoulou. Non, bien sûr ! Mais il y a quelques petites ruptures. Pour nous, pour la gauche, - et pas seulement la gauche grecque, mais bien toute la gauche européenne -, un espace s'ouvre pour les mobilisations. La lutte, c'est de montrer que la gauche peut donner un autre contenu à ce consensus. Jusqu'à l'avènement du gouvernement Syriza, la croyance était très forte dans l'Union européenne : « On en a fini avec la gauche ! » La social-démocratie allait, et continue d'aller avec la droite dans des coalitions sans rupture. Dans ce contexte, nous-mêmes, la gauche paraissions totalement insignifiants. On ne faisait plus peur du tout.
 
Il y a quelques signes d'émergence, en effet : au Royaume-Uni avec le débat interne au parti travailliste ou même en Finlande où samedi, des milliers de manifestants ont défilé contre l'austérité... Mais parmi les forces qui se battent contre le néolibéralisme, l'accord extorqué à Bruxelles après la cinglante victoire du « non » a tout de même douché pas mal d'espoirs...
Sia Anagnostopoulou. Nous avons montré que la gauche est là, encore et toujours là en Europe. C'est aussi pour cette raison que je ne suis pas d'accord avec les analyses de Lafazanis et de ses camarades : la lutte doit être dans l'Union européenne, pas en dehors. La gauche doit mener la bataille là où elle se passe, pas ailleurs ! On ne peut pas considérer que c'est une simple question de souveraineté nationale : nous contre le reste du monde ! Nous n'avons pas une lutte contre les Allemands ou contre d'autres Européens. Pour nous, la lutte doit se mener avec les Allemands, avec les Français, avec les Espagnols, les Portugais ou les Italiens, avec les Finlandais qui manifestaient samedi contre l'austérité, avec les Britanniques qui s'intéressent à ce que dit Jeremy Corbyn dans la campagne pour la tête du Labour...
 
Sur quelles priorités allez-vous mener la campagne électorale ?
Sia Anagnostopoulou. On va la faire sur un nouveau programme dans le contexte serré du memorandum. Nous avons une série de propositions qui doivent servir à désamorcer les mesures néolibérales de l'accord. Pour nous, il s'agit de soulager et de protéger les classes populaires. Nous sommes obligés d'adapter notre programme, bien sûr, mais nous voulons ne pas toucher le peuple le plus fragile, nous voulons protéger les plus faibles. On parle toujours de « réformes ». Je suis d'accord pour les réformes, mais à condition qu’elles ne conduisent pas à la destruction de la cohésion sociale. Ce qui est plus important encore, c'est de ne pas imposer aux peuples des réformes par la violence. Faute de quoi, on s'habitue à voir le pouvoir politique décider pour la société par des biais de violence. Et ça, c'est très dangereux, car c'est faire des cadeaux à l'extrême droite...
 
Comment ça ?
Sia Anagnostopoulou. Si on dit que la Grèce doit faire des privatisations d'une telle ampleur, cela signifie que l'on a une violente transformation de la société, un gigantesque bouleversement. On habitue la société à cette violence. Et toujours dans l'Histoire, c'est l'extrême droite qui a profité de cette mentalité. 
Donc, il faut faire des réformes en Grèce. Nous sommes d’accord. À gauche, nous avons longtemps été les seuls à crier pendant des décennies qu'il fallait revoir les administrations publiques, sortir du clientélisme, récolter l'impôt, etc. Il faut des réformes, mais sans attaquer les classes sociales les plus fragiles !
 
C'est encore faisable ?
Sia Anagnostopoulou. Oui, car c'est nous qui gérons ce memorandum. Du coup, le message que nous adressons aux Européens est celui-ci : si nous, les Grecs, sommes parvenus à faire une petite rupture dans l'Union européenne et à montrer le vrai problème, il faut que la gauche européenne prenne la relève. Toute la mobilisation doit se porter désormais sur la dette ; on doit européaniser cette question de la dette grecque. La dette est une affaire européenne et pas seulement grecque. Cela peut être la première victoire de la gauche européenne. Nous ne sommes pas insignifiants, nous sommes visibles en Europe, nous avons les moyens de faire autrement.
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23 août 2015 7 23 /08 /août /2015 22:28
NOUVEAU LIVRE DE SALIM LAMRANI   CUBA Parole à la défense !

 

            Cuba, petite île de la Caraïbe, vit sous état de siège depuis plus d’un demi-siècle. Rien ne lui a été épargné : sanctions économiques, invasion militaire, menace de désintégration nucléaire, attaques terroristes et une guerre politique, diplomatique et médiatique contre son peuple, ses dirigeants et surtout son système politique et social.

            Pourtant, malgré son indéniable statut de victime, cette nation se retrouve régulièrement sur le banc des accusés. La rhétorique ressassée à son encontre par les grandes puissances occidentales et leurs relais médiatiques opposés au processus révolutionnaire est connue : droits de l’homme, liberté d’expression, démocratie. A la différence de tout tribunal digne de ce nom et respectueux des droits de la défense, Cuba est systématiquement privée de son droit à répondre aux attaques, à exposer ses arguments et à exprimer sa vérité.

            Parole à la défense ! Voilà le but de cet ouvrage qui donne la parole à d’éminentes voix cubaines et internationales qui proposent une vision alternative de la plus grande île des Antilles. Loin des rengaines médiatiques traditionnelles, elles proposent un autre point de vue sur Cuba, une société complexe, imparfaite, mais qui a le mérite d’avoir choisi le camp des déshérités et d’avoir placé l’être humain au centre de son projet national.

 

« Dans ce contexte, l’ouvrage de mon concitoyen auvergnat Salim Lamrani arrive à point nommé. Non seulement il nous permet de mieux comprendre le présent, mais il permet aussi d’être optimiste sur l’avenir. La lecture des témoignages conforte la conviction que la société cubaine d’aujourd’hui est construite sur des bases solides. L’éthique de ses dirigeants et la maturité du peuple cubain génèrent une intelligence collective pas prête d’être balayée par les vents de l’ouest venus du grand voisin yankee ! »

 

Extrait de la préface d’André CHASSAIGNE


 

NOUVEAU LIVRE DE SALIM LAMRANI   CUBA Parole à la défense !

L’ouvrage est disponible en librairie et sur www.amazon.fr. Il est également disponible auprès de l’auteur ou auprès de la rédaction du Blog. Les associations et les personnes intéressées par la diffusion de l’ouvrage sont invitées à me/nous contacter par courriel (lamranisalim@yahoo.fr) (en commentaire de l'article ou par courriel à fg.pontduchateau@laposte.net). Un tarif spécial leur est réservé.

N’hésitez pas à joindre Salim Lamrani pour toute information supplémentaire. Il est, bien entendu, à la disposition de celles et ceux (personnes, associations, librairies…) qui souhaiteraient l’inviter pour une présentation de ce livre ou pour un débat.

Il sera présent à la Fête de l’Humanité le 11, 12 et 13 septembre 2015 pour y dédicacer son livre. Une présentation est prévue sur les stands de Cuba Si (présence les trois jours), Cuba Linda (samedi 12 à 17h) et Cuba Coopération (samedi 12 à 9h). Gerardo Hernandez, héros de la République de Cuba, lui fera l’honneur de l’accompagner lors de la présentation sur le stand de Cuba Coopération le samedi 12 septembre à 9h. André Chassaigne sera également présent à la fête de l’Humanité.

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23 août 2015 7 23 /08 /août /2015 11:01

Rencontre avec les bénévoles et les enfants lors de la journée des oubliés des vacances du Secours Populaire le mercredi 19 août au champ de mars.

 

 

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21 août 2015 5 21 /08 /août /2015 18:29

Ce nouveau parti s'appellera "Unité populaire" et sera dirigé par l'ancien ministre de l'Energie Panagiotis Lafazanis. Un nouveau groupe parlementaire du même nom a été créé ce vendredi et compte 25 députés.

 

Au moins 25 députés sur les 149 de Syriza ont annoncé vendredi leur intention de former un groupe parlementaire nommé "Union populaire". Il est dirigé par l'intransigeant Panagiotis Lafazanis, 63 ans, ex-ministre de l'Environnement et de l’Énergie qui a perdu son portefeuille lors d'un remaniement ministériel en juillet après s'être opposé avec d'autres députés de Syriza à l'accord passé entre Athènes et l'UE sur une nouvelle aide de 86 milliards d'euros sur trois ans, accompagnée par un train de mesures d'austérité. Il avait alors accusé Alexis Tsipras "de trahir" la ligne de Syriza et de céder devant les pressions des créanciers, UE et FMI.

 

Avec 25 députés, cette nouvelle formation sera la troisième en importance de la Vouli, assemblée de 300 membres, devant le parti centriste To Potami et le parti d'extrême droite Aube dorée qui comptent 17 élus chacun. Alexis Tsipras a perdu la majorité parlementaire, ne comptant actuellement que 119 députés sur les 300 de l'Assemblée. En vertu de la Constitution, le chef d'Etat a demandé jeudi à Vaguélis Méïmarakis, dirigeant du parti d'opposition de droite Nouvelle-Démocratie (ND), de tenter de former un gouvernement de coalition. Les trois premiers partis du Parlement sur la base de leur nombre de députés sont appelés l'un après l'autre à tenter de former un gouvernement de coalition dans un délai de trois jours. Il n'est donc pas exclu que Panagiotis Lafazanis, dont son groupe parlementaire compte au moins 25 députés, soit également appelé à utiliser "le mandat exploratoire" si la droite échoue, pour tenter de former un gouvernement de coalition. En cas d'échec, ce qui est plus que probable, est élections législatives anticipées devraient être organisées, certainement le 20 septembre prochain. 

 

Le Premier ministre conserve une bonne côte de popularité. Il espère renforcer sa majorité et stabiliser la vie politique de son pays suite à ses élections. En annonçant jeudi soir sa démission, Alexis Tsipras a toutefois reconnu que le bilan de ses sept mois passés à la tête du pays n'était pas totalement celui espéré. "Nous ne sommes pas parvenus à conclure l'accord que nous espérions avant les élections de janvier", a-t-il admis. "J'éprouve la profonde responsabilité morale et politique de soumettre à votre jugement tout ce que j'ai fait, les succès comme les échecs".

 

L'Eurogroupe satisfait de son coup d'état. "C'était vraiment une étape attendue", a commenté Thomas Wieser qui préside le groupe de travail de l'Eurogroupe. "Et pour de nombreuses personnes, cela était une étape voulue pour avoir une structure plus claire dans le gouvernement grec". La troïka, si elle craint un retard sur le calendrier des réformes qu'elle a imposé, est rassurée d'avoir pu faire plier puis tomber un gouvernement démocratiquement élu.

 

Grèce: une partie de Syriza fait sécession avant les élections
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20 août 2015 4 20 /08 /août /2015 23:05

Pour une fois que le journal le plus lu au monde (le New York Times, nous dit-on !) publie un texte dont notre ami Salim Lamrani estime que ce ne sont que des vérités, ne nous privons pas de le lire et de le faire lire sans modération !

Les 10 vérités du New York Times sur les sanctions économiques des États-Unis contre Cuba  !

            Le plus prestigieux quotidien au monde a lancé un appel au Congrès étasunien afin qu’il mette un terme à l’état de siège qui asphyxie le peuple cubain[1].

 

1.      Les sanctions économiques totales ont été imposées par l’administration Kennedy en 1962 dans le but de renverser le gouvernement révolutionnaire de Fidel Castro. Cette politique hostile, qui n’a eu de cesse d’être renforcée par les différents gouvernements étasuniens, à quelques exceptions près, est un échec total.

 

2.      Une grande majorité des citoyens étasuniens et l’immense majorité des Cubains souhaitent la levée des sanctions économiques anachroniques, cruelles et inefficaces. « Un nombre croissant de parlementaires des deux partis ont entrepris des démarches encourageantes dans ce sens ces derniers temps », avec l’introduction de différents projets de loi destinés à mettre un terme à l’état de siège économique.

 

3.      Les citoyens étasuniens peuvent visiter n’importe quel pays au monde, y compris la Chine, le Vietnam et la Corée du Nord, mais ne sont pas autorisés à se rendre à Cuba en tant que touristes ordinaires.

 

4.      « L’embargo […] a fait du mal au peuple cubain ».

 

5.      « L’embargo nuit de manière substantielle aux entreprises étasuniennes. Les capitaux étrangers se précipitent à Cuba afin d’obtenir des parts de marché, en en laissant le moins possible pour les entreprises étasuniennes lorsque les sanctions seront levées ».

 

6.      Sans changement rapide de la politique étrangère vis-à-vis de Cuba et sans l’élimination des sanctions, les intérêts étasuniens seront inévitablement affectés. « Ce qui risque de se passer, c’est que lorsque les Américains seront autorisés à voyager à Cuba, ils logeront dans des hôtels espagnols, mangeront de la nourriture allemande et utiliseront des ordinateurs chinois ».

 

7.      Pendant des années les législateurs d’origine cubaine « ont contrôlé la politique vis-à-vis de Cuba » et « ont favorisé l’embargo ». Les hommes politiques étasuniens ont longtemps suivi cette voie de crainte de perdre l’électorat cubano-américain.

 

8.      Les temps ont changé. Selon un sondage du 21 juillet 2015, 72% des Américains sont favorables à une levée des sanctions économiques. « 55% des Républicains soutiennent la fin de l’embargo ».

 

9.      Désormais, se prononcer pour le maintien des sanctions contre Cuba, comme l’ont fait deux des candidats républicains aux élections présidentielles de 2016, Marco Rubio et Jeb Bush, constitue un pari risqué. Parmi les Cubains-Américains, 40% déclarent qu’ils apporteraient un soutien à un candidat qui poursuivrait la politique de rapprochement avec La Havane entreprise par Barack Obama. Seuls 26% affirment qu’ils ne voteraient pas en faveur d’une telle politique. Au sein de la communauté latino-américaine des États-Unis, 34% sont favorables au dialogue avec Cuba et seuls 14% ont exprimé leur désaccord à ce sujet.

 

10.  Hillary Clinton, candidate démocrate à la présidence de 2016, a bien compris cette nouvelle réalité et a lancé un appel à la levée des sanctions économiques contre Cuba lors d’un discours à Miami, bastion de la communauté cubaine, en juillet 2015.

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis.

Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité, Paris, Editions Estrella, 2013 et comporte une préface d’Eduardo Galeano.

Contact : lamranisalim@yahoo.fr ; Salim.Lamrani@univ-reunion.fr

Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

 

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19 août 2015 3 19 /08 /août /2015 20:16

L'éditorial de Maud Vergnol. La méthode Macron : "Les patrons ne respectent pas la loi ? Eh bien, changeons-la ! Les députés s’opposent aux amendements ? Eh bien, contournons-les !"

 

Le ministre de l’économie a une imagination débordante. Pour déroger à sa propre loi, qu’il a fait passer en force avec le recours au 49-3 et qui n’aura été votée que par les sénateurs de droite, l’arrogant locataire de Bercy a trouvé la parade. Afin d’étendre encore le travail du dimanche, il a adapté à sa guise le périmètre des fameuses zones touristiques internationales. Où l’on découvre, entre autres, que le centre commercial Italie 2, à Paris, est devenu la huitième merveille du monde… Qu’importe le grotesque, puisque l’enjeu était ailleurs : satisfaire les appétits du patronat. À ce titre, le PDG de la Fnac, Alexandre Bompard, a été servi. Alors que l’« amendement Fnac » avait été rejeté lors du second passage de la loi à l’Assemblée nationale, tous les magasins de celui qui possède ses ronds de serviettes à Bercy se retrouvent miraculeusement sur la carte des ZTI. Les patrons ne respectent pas la loi ? Eh bien, changeons-la ! Les députés s’opposent aux amendements ? Eh bien, contournons-les !

 

C’est ainsi que les choses se passent sous le quinquennat de M. Hollande. En moins de cinq ans, suite au bras de fer engagé par Bricorama sur le travail du dimanche, le Medef aura obtenu une loi taillée sur mesure. Pourtant, l’extension du travail le dimanche, encore impensable il y a dix ans, donne un avant-goût de la « civilisation du supermarché » et de son lot de régressions sociales que nous concoctent les néolibéraux. Alors, on entend déjà la complainte libérale et son refrain pervers du « volontariat » des salariés en réalité, un chantage à la survie. Les grands groupes communiquent volontiers sur « le libre choix » laissé à leurs employés. Mais ils sont beaucoup moins prolixes quand il s’agit d’évoquer la très grande faiblesse des salaires qui prévaut dans le commerce, ou le sort des étudiants salariés, aujourd’hui condamnés à devenir de la main-d’œuvre bon marché pour les nocturnes, dimanches et jours fériés, qui rempliront les poches des actionnaires.

 

Macron et la civilisation du supermarché
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18 août 2015 2 18 /08 /août /2015 21:32

Voici l'interview de notre ami Salim Lamrani sur Radio Sputnik à propos de la visite historique du secrétaire d’État étasunien John Kerry à La Havane.

Des sujets épineux entre les États-Unis et Cuba !

© REUTERS/ Jonathan Ernst - 21.07.2015 - Valérie Smakhtina

La normalisation des relations entre les États-Unis est Cuba est censée tourner définitivement la page de la « guerre froide » sur la continent américain. Cependant, les obstacles sont nombreux aussi bien de la part de Washington que de La Havane.

Des sujets épineux entre les États-Unis et Cuba !

Après 54 ans de rupture, les deux pays ont rouvert leurs ambassades, ce qui constitue une nouvelle étape concrète du rapprochement historique engagé en décembre par les Présidents Barack Obama et Raul Castro et qui met fin à la politique d'hostilité et de non-communication. Désormais, le gouvernement de la Havane et de Washington pourront dialoguer directement sans passer par l'intermédiaire de la Suisse.

La réouverture respective des ambassades a également une portée symbolique, affirme Salim Lamrani, enseignant et essayiste français, maître de conférences à l'université de La Réunion, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. « Les Etats-Unis reconnaissent que la politique d'hostilité, d'isolement vis-à-vis de Cuba est un échec, qu'elle est obsolète et contreproductive. Au lieu d'isoler La Havane, elle a isolé Washington, puisque les Etats-Unis sont le seul pays de l'Amérique qui ne dispose pas de relations diplomatiques et consulaires normales avec Cuba. »

Ce pas vers le changement de l'époque ne résout portant pas le différend entre Washington et La Havane. Les sanctions économiques constituent un obstacle majeur à la normalisation des relations entre les deux pays. Il reste également la question du camp de Guantanamo, les milliards de dollars d'indemnisation réclamés par les Américains expropriés à la révolution, l'extradition des fugitifs réfugiés à Cuba qui sont recherchés par la justice américaine. Salim Lamrani nous décrypte les sujets épineux point par point.

 

 « Si les comptes sont faits des deux côtés, le compte des Etats-Unis sera largement déficitaire », annonce l'expert en répondant à la question de l'indemnisation pour les biens confisqués après la révolution cubaine. Ainsi, La Havane a exprimé sa disposition à dialoguer sur ce sujet à condition que soit mise sur la table les dommages causés à l'île par les sanctions imposées depuis 1962.

En ce qui concerne la question des fugitifs, « la décision d'accorder un asile politique est un point qui relève de la souveraineté d'un Etat, c'est toujours à discuter », témoigne Salim Lamrani. La demande des Américains se heurte, côté cubain, à l'extradition de Luis Posada Carriles qui vit tranquillement à Miami. En 1976, l'ancien agent de la CIA a commis un attentat à la bombe de l'avion de ligne cubain en 1976 qui a fait 73 victimes.

Quant au camp de Guantanamo, le différend est facile à résoudre du point de vue juridique, parce que l'accord, signé en 1902, était imposé par la force. Depuis 1959, Cuba refuse d'encaisser le chèque de 4.000 dollars par an en expliquant qu'il s'agit d'une occupation qui se fait contre la volonté du peuple cubain et qu'il s'agit d'une occupation illégitime du territoire souverain. Selon Salim Lamrani, la résolution qui ne peut être que diplomatique dépend de Washington qui, jusqu'à présent, affirmait que cela ne faisait pas parti de l'agenda des négociations.

Par ailleurs, le débat sur la levée de l'embargo est intéressant. « Il s'agit de savoir si le rapprochement procédé par Washington est un rapprochement tactique ou s'il s'agit d'un changement stratégique, constate Salim Lamrani. A mon avis, il s'agit d'évolution en tactique. C'est-à-dire que les États-Unis n'ont pas renoncé à leur objectif de changement de régime. Pour ce qui est des sanctions économiques, le Président américain Barack Obama a lancé un appel au Congrès l'invitant à adopter des dispositifs nécessaires à y mettre fin. Néanmoins il convient de rappeler qu'Obama dispose de toutes les prérogatives exécutives nécessaires pour détricoter le réseau des sanctions économiques. » Plus précisément, il peut, par exemple, autoriser les entreprises américaines à faire du commerce directement avec les entreprises cubaines, ou autoriser Cuba à utiliser le dollar dans ces transactions internationales, ou encore autoriser les entreprises états-uniennes à acquérir les matières premières cubaines et, vice-versa, autoriser Cuba à utiliser, sur le marché international, des produits contenant plus de 10% de matières premières américaines. La chose est plus compliquée dans le domaine du tourisme « ordinaire », mais il est toujours possible d'élargir la liste de 12 catégories de citoyens autorisés à se rendre sur l'île. Par contre, Barack Obama aura du mal à nommer officiellement l'ambassadeur américain à Cuba sans l'accord du Congrès. Mais il peut toujours nommer le chef de la « section d'intérêt des États-Unis », le titre qui, sur le fond, ne changera rien parce que les liens diplomatiques seront rétablis.

« Le temps fait son œuvre et l'exil historique tend à disparaître », conclut Salim Lamrani. Reste à savoir, si les États-Unis, d'un côté, sont prêts à satisfaire les demandes hypertrophiées de La Havane et si, d'autre part, Cuba, à la croisée des chemins, choisit entre les États-Unis, qui l'avait « oppressé » depuis plus d'un demi-siècle, la Russie, partenaire traditionnel de l'île, et la Chine qui projette d'y installer des missiles nucléaires.


Lire la suite : http://fr.sputniknews.com/analyse/20150721/1017153489.html#ixzz3j3ghT5fS

 

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17 août 2015 1 17 /08 /août /2015 21:47
Le drapeau de l'organisation État islamique.  Photo : AFP/YouTube/Arbeen unified Press Office

Le drapeau de l'organisation État islamique. Photo : AFP/YouTube/Arbeen unified Press Office

Gaël De Santis - Lundi, 17 Août, 2015 - L'Humanité

 

L'éditorial de Gaël de Santis.

En Syrie, elles ont libéré Kobané en janvier. Elles ont libéré Hassaké fin juillet. En Irak, elles sont venues en aide aux Yezidis sur le mont Sinjar.

En Syrie, elles ont libéré Kobané en janvier. Elles ont libéré Hassaké fin juillet. En Irak, elles sont venues en aide aux Yezidis sur le mont Sinjar. « Elles » ? Ce sont les forces kurdes, seules à combattre réellement, de front et au sol, en Syrie et en Irak, Daesh. Qu’elles aient pour nom Unités de protection du peuple (YPG), Unités de protection des femmes (YPJ) ou Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), elles devraient être considérées comme des forces de libération.

 

Et pourtant, elles sont seules. Les Occidentaux ont bien constitué, avec des alliés douteux, une coalition anti-Daesh. Mais les voilà ennuyés. S’ils reconnaissent le rôle de la résistance kurde, ils n’entendent pas l’appuyer. François Hollande a certes reçu à l’Élysée la commandante Nassrine Abdallah en février. Mais depuis, les Kurdes ne reçoivent que peu d’appui diplomatique.

 

Il y a une raison à cela : la volonté de ne pas froisser Ankara, qui a pourtant traîné des pieds à s’engager contre Daesh. En difficulté, incapable de former une majorité au Parlement, le président islamo-conservateur turc, Recep Tayyip Erdogan, qui souhaite renforcer ses pouvoirs, ne verrait probablement pas d’un mauvais œil la tenue d’élections anticipées. Il entend se refaire une santé sur le dos du Parti démocratique des peuples (HDP), formation progressiste qui a créé la surprise aux législatives de juin, en rassemblant 13 % des voix, sur une ligne antilibérale, laïque, féministe. Le HDP, qui veut panser les plaies de la Turquie et demande que chaque partie « retire son doigt de la gâchette », voit ses militants pourchassés. En outre, la guerre a repris contre le PKK qui a subi des dizaines de frappes aériennes, contre trois pour Daesh.

 

En 2013, un cessez-le-feu avait été décrété par le leader du PKK, Abdullah Öcalan, aujourd’hui emprisonné et privé de parole. C’est au moins à cette étape qu’il faut revenir. La France et l’Union européenne pourraient commencer par retirer le PKK de la liste des organisations terroristes.

« Erdogan attaque le mouvement qui combat et défait l’“État islamique” » !

Combattants kurdes - Entretien réalisé par Pierre Barbancey -

Lundi, 17 Août, 2015 - L'Humanité

Turquie. Porte-parole du PKK, Zagros Hiwa dénonce la politique du régime turc, qu’il accuse d’être le « cheval de Troie » de Daech au sein de la coalition.

Turquie. Porte-parole du PKK, Zagros Hiwa dénonce la politique du régime turc, qu’il accuse d’être le « cheval de Troie » de Daech au sein de la coalition.

Mont Kandil (Kurdistan d’Irak),
 envoyé spécial.  Zagros Hiwa Porte-parole 
du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK)

 

La Turquie a annoncé que le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) avait abandonné ses positions sur le mont Kandil à la suite des bombardements. Est-ce exact ?

Zagros Hiwa Ce sont des mots vides de sens. Dire que nous avons quitté le mont Kandil relève de la propagande du pouvoir turc. Le PKK, c’est le peuple. Les gens sont le PKK. Le PKK est partout. C’est le mouvement démocratique des Kurdes, partout dans la région. Erdogan veut que nous partions et que nous arrêtions de nous battre pour nos droits. Il demande l’impossible ! Nous avons une responsabilité : défendre le peuple là où il est, y compris dans les moments difficiles.

 

Massoud Barzani, le président du gouvernement régional du Kurdistan (Irak), a également fait des déclarations demandant que le PKK quitte le territoire. Que répondez-vous ?

Zagros Hiwa La famille Barzani et leur parti, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), nous ont effectivement dit de partir. Mais faut-il lui rappeler que lorsque Daech (l’« État islamique » – NDLR), a commencé à avancer, leurs troupes ont fui. Ce sont les combattants du PKK qui ont affronté ces islamistes, qui sont venus à la rescousse des Yezidis du mont Sinjar, complètement encerclés. Aujourd’hui, Daech contrôle 75 % du Kurdistan du Sud (Kurdistan d’Irak – NDLR) et tient la grande ville de Mossoul. Daech est sans doute la plus brutale et la plus terrible organisation de toute l’histoire.

 

Que comptez-vous faire ?

Zagros Hiwa Nous allons renforcer et approfondir notre présence dans la région. Le peuple va devoir affronter des moments difficiles tant qu’Erdogan d’un côté et Daech de l’autre seront présents. Si nous quittons le mont Kandil, rien ne dit que les habitants ne vivront pas le même cauchemar et les mêmes horreurs que les Yezidis, qu’ils ne vivront pas les mêmes souffrances avec les hommes égorgés, les femmes violées ou vendues comme esclaves. Une nouvelle période de notre lutte commence. Nous sommes prêts à nous défendre contre toute menace, quel qu’en soit le coût.

L’aviation turque a bombardé le village de Zergele, sur le mont Kandil, faisant huit morts civils et des dizaines de blessés. Ankara affirme que ce hameau était une base du PKK. Que cherche Ankara ?

Zagros Hiwa Le bombardement de Zergele avait deux buts. Le premier concerne la situation au Moyen-Orient. La politique d’Erdogan est d’implanter la puissance de la Turquie dans la région avec, comme outil, Daech. La disparition de l’« État islamique » pourrait créer un vide politique qu’Erdogan comblerait alors. Mais la résistance des Kurdes contre Daech est un problème pour lui. Ses bombardements ne sont que la réponse à notre résistance face aux djihadistes. Erdogan dit participer maintenant à la coalition contre l’« État islamique ». En réalité, il est le cheval de Troie de Daech au sein de la coalition car il attaque le mouvement qui se bat et défait les islamistes.

Les motivations d’Erdogan sont également basées sur des considérations de politique intérieure. Il veut changer le système parlementaire en un système présidentiel qui ferait de lui l’homme fort du pays et du Moyen-Orient. En réalité, il veut être comme Pinochet. Mais la lutte pacifique du Parti démocratique des peuples (HDP) et son score aux dernières élections législatives (le HDP a obtenu 13 % des votes et 80 députés – NDLR) ont grippé sa machine : son parti, l’AKP, n’a pas obtenu la majorité absolue et il ne peut pas changer la Constitution comme il le voulait. Maintenant, il se venge avec ses raids aériens. Ce qu’il fait s’apparente à un coup d’État masqué. Il envoie son armée contre les combattants du PKK et sa police contre les militants du HDP. Erdogan espère ainsi qu’en cas d’élections anticipées le HDP ne puisse franchir la barre des 10 % et n’ait plus de représentants au Parlement.

 

Êtes-vous prêts à un nouveau cessez-le-feu ?

Zagros Hiwa Comment parler de cessez-le-feu alors que l’aviation a effectué plus de 140 sorties et a frappé plus de 600 fois ? Il a brisé le cessez-le-feu que nous avions décrété unilatéralement. Nous allons intensifier notre lutte. Pas seulement militairement mais aussi politiquement, culturellement, socialement, en établissant notre système démocratique. C’est pour cela que nous nous battons, pas pour tuer comme le fait Erdogan.

 

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16 août 2015 7 16 /08 /août /2015 22:55

Jean Ortiz - Dimanche, 16 Août, 2015

Le blog de Jean Ortiz.

 

J’ai grandi entre deux exils... en quelque sorte « doublement immigré » !

 

Souvenirs, souvenirs.

Photo : DR

Photo : DR

 

Au village ouvrier, nos maisons familiales, construites par un grand-père colosse-bourreau de travail, se touchaient. D’un côté l’exil politique, Enrique, mon père, le guérillero communiste, et de l’autre mes « abuelos » (grands parents) maternels, Alfonso et Isabel : l’exil économique. Pas de cloisonnement. Je passais de l’un à l’autre sans m’en rendre compte. Des deux côtés : la lutte légitime pour la dignité et la solidarité. On parlait l’espagnol, pas le français. Les « abuelos » y ajoutaient l’occitan, la langue à la fois soumise et résistante, la langue cousine qui leur permit de s’intégrer ; celle qu’ils apprirent tout naturellement dans un village où l’on parlait cette langue maternelle, l’occitan, dans les foyers, les bistrots, les rues, au marché ; mais où il était interdit à l’école d’employer des mots « patois ». L’impur et trop popu « patois » ! L’ascenseur scolaire n’a pas que des vertus... Le plurilinguisme menacerait la République, « hilh de puta » ! En réalité, il l’enrichit. Que les sceptiques lisent les écrivains, les poètes, Bernat Manciet, Frédéric Mistral, Max Roqueta, Robèrt Lafont, Joan Bodon... Qu’ils écoutent les chanteurs d’oc... Ils se convaincront de la nécessité (qu’elle vive) et de la beauté de l’occitan, aussi bien du tronc commun que des variantes des différents « pays » de langue d’oc : Chez nous, le « Volem viure al pais » avait un contenu de classe.


Mes grands-parents, nés à Salamanca, où même paraît-il les pierres étaient jadis franquistes, arrivèrent dans les années 1920. Racolés par une France en reconstruction, ils venaient des Asturies avec contrat de travail en poche et voyage payé, SVP ! Tapis rouge ! Et ils ne jouaient pas au PSG-Qatar, ce Qatar qui financerait aussi d’autres terrains d’affrontement... Dans les années 1920, la France, tout simplement, avait besoin de bras d’immigrés après la saignée de la Première Guerre mondiale, comme aujourd’hui sur les chantiers du BTP ou les services de voirie. Les Espagnols ne vinrent pas « manger le pain des Français » mais plutôt leur permettre de l’acheter. Comme ces « immigrés » du présent, qui rapportent plus qu’ils ne coûtent.

Rue du Castel (château), à Labastide-Rouairoux, les deux exils espagnols s’épaulaient, se prolongeaient. A la suite d’une initiative un peu folle de la Jeunesse communiste, relayée par les élus communistes au conseil municipal, la moyenâgeuse « rue du Castel » devint « Rue Commune de Paris », et la plaque apposée sur la maison d’Enrique.
Mon grand père maternel, bravasse, toujours de bonne humeur, maçon, poussait son charriot sur des kilomètres pour aller trimer, en chantonnant « Los mozos de Moleón ». Le moustachu Alfonso animait le Cercle des Espagnols du village. Les jours de carnaval, il prenait la « testa » d’un cortège (immigré) avec déguisements, danses et chants du nord de l’Espagne, flûtes et cornemuses ; et il entraînait les Français à sa suite... Un véritable impérialisme culturel à l’envers ! Afonso fit venir pour travailler au village frères et sœurs, (il colonisa Labastide!) et organisa même des manifs de soutien à la République espagnole. Dans sa grande majorité, l’exil économique prit parti pour « les rouges ».

La pauvreté de mes parents fit que mes « abuelos » maternels m’accueillirent chez eux, de l’autre côté du mur, et m’élevèrent. Alfonso était fier de chaque réussite aux examens « del Juanito », de mes candidatures pour le PCF (tonte obligatoire de la tignasse, et costume d’immigré qui a réussi), de mes meetings au village... Lorsque les foudres paternelles se déchaînaient, Alfonso servait de paratonnerre. Pour le remercier, mon frère Enrique (tradition espagnole) et moi, lui faisions les pires gentillesses, du genre peindre les tomates vertes en rouge... pour accélérer la révolution, l’aurore rouge... et partir en courant !

Restez à l’écoute ! Le clou est à venir ! (transition ex-abrupto). Mon arrière grand père maternel, Ricardo Hernandez le « madrileño », était un flambeur, un coureur, un buveur, un faux hidalgo « fausse classe », haut en couleurs. L’arrière-grand-père du fils de « rouge » fut, il fut... cocher du roi Alphonse 13, ouiouioui, c’est vrai de vrai, mon « tatarabuelo » cocher du roi battu par la République en avril 1931... et mon arrière « abuela » : repasseuse à la cour. Las de cocheter le roi, Ricardo abandonna un jour ses trois enfants et s’embarqua pour Buenos Aires, afin de s’y remplir les poches pendant quelques années. Les poches trouées, il revint au bercail et ne put même pas payer le taxi de la gare au domicile familial. Il n’avait que des gros billets disait-il.
La grand-mère Isabel, fluette et fragile, toute en délicatesse, noueuse comme un pied d’olivier et rompue au travail, au battoir du lavoir, syndiquée à l’usine textile Barthès (« remetteuse de fils »), nous faisait des « mantecaos », des « rosquillas », des « migas », chantait de si belles « habaneras » (« si a tu ventana viene, una paloma... »). A Madrid, elle dut servir chez les riches et chez le monarque bourbonneux et bambocheur (tradition familiale...)

Mon père, lui, préférait les « churros », à tel point qu’il se fit fabriquer une machine à churros semblable à une mitrailleuse de l’Ebre, et qui jamais ne fonctionna. Il en fut pour ses frais ; se faire ridiculiser par une machine à cracher des churros lorsque l’on a combattu le fascisme.... Et il n’avait pas le sens de l’humour, l’animal. Lors du dernier repas avant mon départ pour La Havane, afin d’y substituer le pote José et de m’essayer au journalisme pour « L’Huma », je lui parlai de la « libreta », le carnet de rationnement « égalitaire » des Cubains. Mal m’en prit. Pour lui, le rationnement, c’était Pétain, les topinambours, les rutabagas... Il se leva et me lança, sur un ton de commissaire politique peu enclin au dialogue : « si tu racontes des conneries avant de partir à Cuba, il vaut mieux que tu restes ici ! » Lorsque j’y repense, il appelait cela « les principes »... ne jamais abdiquer ni se vendre, ne rien lâcher, ne pas négocier « les principes », ne pas transiger sur l’essentiel. Il n’aimait pas ce que Santiago Carrillo était devenu. Et les « tontons » du dimanche non plus.
Ils venaient d’Albi, de Castres, de Carmaux, de Mazamet... pour se réunir discrètement à la maison et recréer un pays. Ils restaient malgré tout, valises à la main, des « exilés ». En 1950, Franco fit éliminer du dictionnaire officiel de la « Real Academia » le mot « exilé »... De ma chambre, j’entendais les éclats de voix de la réunion clandestine du PCE. Le journal « Mundo Obrero » arrivait de Paris avec la complicité des cheminots communistes français... Il était imprimé sur du papier très fin pour mieux le dissimuler. Les militants espagnols organisaient la solidarité, les souscriptions, les pétitions... pour tenter de sauver par exemple le dirigeant du PCE Julian Grimau, arrêté à Madrid et exécuté le 21 avril 1963 après une parodie de procès. L’annonce de sa mort, par une voix grésillante, sur nos ondes courtes du soir, « Radio España Independiente », « la Pirenaica », nous fit beaucoup pleurer, mais aussi se lever de nouveaux militants. Le gamin que j’étais apprit l’internationalisme. La voix de la « Pasionaria » remplaçait la grand-mère paternelle, si loin, si absente...
Pour joindre les trois bouts, Enrique, manœuvre dans la maçonnerie, avait construit, sur un morceau de montagne pentu, une maisonnette à lapins, poules, pigeons et cochon. Le jour des cochonnailles, on descendait le goret sur une sorte de brancard, tel un « paso » de Semaine sainte andalouse traversant le « barrio ». Il ne manquait que la « saeta » chantée du haut d’un balcon. Le pauvre porc, condamné à mort, hurlait plus fort qu’un toro dans l’arène. Le cortège prenait des allures de procession à la fois morbide et rigolarde.

Transition dialectique... Un bon article, comme un bon poème, m’a appris le poète démesuré Serge Pey, nécessite une bonne conclusion sans conclusion, parfois une anecdote qui n’est pas anecdotique...

Lorsque le « padre » Enrique organisait des voyages d’Espagnols, c’était pour gagner quelques sous afin d’aider les prisonniers politiques de la prison de Burgos et leurs familles...

Dans le bus, on chantait « Adiós mi España querida... yo soy un pobre emigrante », les trémolos pleurnichards de Juanito Valderrama, d’Antonio Molina...

Et on attendait la chute, qui n’allait pas tarder, du dictateur... Il mourra dans son lit en 1975, comme l’avait décidé le « monde libre », pour bons et loyaux services rendus. Le bus s’arrêtait à Saint-Pons, et en route pour la baignade, en Roussillon: à Argelès-sur mer !

Sans les barbelés, l’eau putride et les humiliations. Argelès-sur-mer. Quand j’y pense... Argelès. Pour exorciser l’exil ?


 

 

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15 août 2015 6 15 /08 /août /2015 20:23
Des républicains espagnols - AFP

Des républicains espagnols - AFP

Jean Ortiz - Vendredi, 14 Août, 2015

 

Être fils de réfugié politique, de « rouge », de Républicain espagnol, «d’étranger indésirable », « dangereux » (décrets de mai et novembre 1938, du gouvernement « centre-gauche » de Daladier), m’a contraint à devenir un gamin différent des autres. Je devais me protéger d’une menace omniprésente que je ressentais comme anxiogène ; et que je percevais comme injuste.

Je crois être vraiment né le jour où j’ai commencé à comprendre que j’étais fils de « rouge » espagnol, fils d’un déchirement, d’une souffrance ; que j’appartenais à une communauté bien définie, très politisée, qui, d’une certaine façon, m’anormalisait. Et j’ai progressivement donné du sens, du contenu de classe, de la colère, à ce statut « entre dos aguas »(« entre deux eaux »), à ces pulsions contradictoires ; sources aussi de fierté.

Être fils d’exilé politique oblige en quelque sorte à s’inventer une identité et des racines chercheuses, une histoire incertaine, entre imaginaire et nécessité, à se donner une « patrie » de valeurs, multiple, d’ici et d’ailleurs.

Mon père n’arrêtait pas de nous raconter sa Guerre d’Espagne, ses maquis, ses engagements communistes, les combats des guérilleros en France ; et il utilisait le plus souvent le « nosotros » (« nous ») , la première personne du pluriel. On avait l’impression qu’il voulait à la fois témoigner, transmettre et mettre en garde. Il lui fallait être sur ses gardes... A la suite d’une grande rafle, l’ « Opération boléro-paprika », le 7 septembre 1950, montée de toutes pièces par les autorités françaises (le gouvernement de René Pléven, dont François Mitterrand était ministre UDSR), contre principalement les communistes espagnols (288), le PCE, ses journaux, ses revues, sont interdits en France ; des guérilleros décorés à la Libération se retrouvent poursuivis comme « subversifs », « agents de l’étranger », et des militants déportés et assignés à résidence en Corse, en Algérie...

En « nettoyant » le Sud de la France, Paris donne des gages de bonne volonté anticommuniste à Franco, « sentinelle de l’Occident », et affaiblit par là même la lutte contre le franquisme...

En décembre 1951, Paris rétablit ses relations diplomatiques avec Madrid... Les militants communistes espagnols continuent à diffuser « Mundo Obrero » clandestinement, au nez et à la barbe de la police française. Les guidons de vélo ont des ressources que les pandores ignorent. En février 1945, pour donner de nouvelles preuves d’allégeance, De Gaulle et le gouvernement provisoire interdisent la presse de l’exil républicain ; le 2 mars 1945, les unités de guérilleros sont dissoutes. Plutôt Franco que les « rouges ». Circulez ! La « Guerre froide » fera le reste.

Dans l’exil en France, les attitudes politiques et mémorielles diffèrent. Il y a ceux qui racontent et d’autres , exilés antifascistes, également communistes, anarchistes, socialistes, parfois au sein d’une même famille, qui se murent dans la mémoire silencieuse afin de protéger leurs enfants, leurs études en pays étranger. Il faut « s’intégrer ». Déjà ! « S’intégrer ! » Renoncer à soi, à son identité... Tenter d’oublier les défaites et abandons successifs, le vécu trop douloureux de cette guerre d’extermination. Aujourd’hui, nombreux sont leurs fils (filles) et petits-fils (filles) qui « veulent savoir » et qui s’investissent dans le travail associatif de mémoire. Le temps a passé, malgré tous les malgrés ; mais il n’est jamais trop tard pour que vérité et justice adviennent...

Gamin, les récits de Enrique (la bataille de Madrid, Belchite, Teruel, Guadalajara, le passage de l’Ebre, la « Troisième Brigade mixte », la « Retirada », Argelès, Decazeville, la prison des grands-parents, nos sept fusillés) m’inquiétaient et me fascinaient à la fois . Je voyais Enrique comme un héros, doublé d’un « père martinet », arme à courroies destinée à stimuler l’ascenseur scolaire. Enrique me parlait en espagnol (il s’était inventé un « charagnol » pour le village), cette langue à mes yeux bizarre, qui m’était en même temps familière et étrangère. A l’heure du « classement scolaire» (quelle horreur !), le père inventait des citations de Lénine pour m’obliger à être parmi « les premiers », et à recevoir un prix des mains du maire, le jour de la fête des écoles (la Saint-Jean), devant le village rassemblé. Pour Enrique, garçon de ferme esclave très jeune chez les grands propriétaires manchegos (certains se portent encore fort bien), cette volonté que les enfants de « rouge », de prolétaires, de pauvres, réussissent leurs études, relevait de la revanche de classe et d’une sorte de bras d’honneur à tous ceux, les faussement « non-interventionnistes », « qui nous avaient reçus comme des chiens en France », dans des camps dits à l’époque « de concentration » par le ministre de l’Intérieur Albert Sarraut : Argelès, Barcarès, Saint-Cyprien, Gurs... L’enfer français. Des prisons de sable, de barbelés, du grillage, dans le froid de l’hiver 1939, pour ces premiers antifascistes. J’ai retrouvé des lettres du camp, bouleversantes, et de vieux cahiers de notes prises dans les « écoles », ateliers... que le PCE et la JSU (en ce qui concerne mon père), organisaient clandestinement, pour que les militants internés apprennent à lire et à écrire, se cultivent, se forment. Le savoir peut libérer... « L’éducation est le seul moyen de se débarrasser de l’esclavage » (José Marti). Ce n’est que plus tard que j’ai compris le pourquoi des citations fictives « empruntées » au père fouettard Vladimir Ilitch, du type : « Lenin dijo... », Lénine a dit ... étudier, étudier, étudier, et pour se reposer : changer de livre ! ». Comment aimer un tel bourreau livrophyle à 12 ans ?

Très jeune, j’ai donc été condamné en quelque sorte à hériter de l’histoire de ces « rouges » « étrangers dangereux » en France, fliqués par l’infâme « liste S », réprimés, discriminés, contraints au travail esclave dans les GTE ; ils prirent les armes les premiers et proportionnellement plus nombreux que les Français. J’ai dû assumer cette histoire, la prolonger. Etre fils de « rojo », de l’exil politique, m’a condamné à une certaine relégation, à une colère permanente, à une exigence dans l’engagement, à une différence assumée, revendiquée, alors que le droit à la différence n’est que toléré... J’ai donc peu à peu construit mon récit à partir d’un  éclatement du « moi », d’une sorte de marginalité contrainte et volontaire. Ce récit, cette mémoire historique, sont étroitement liés à mon milieu social, à ma génétique : fils de prolétaire espagnol communiste. Ce sont mes deux fils rouges, ma filiation sociale, culturelle, politique, dans un entre-deux géographique et personnel. Je n’étais pas tout à fait Français alors que j’étais né dans un village tarnais, rouge de surcroît, Labastide-Rouairoux, où le maire socialiste fit appel aux CRS contre les travailleurs lors de la grande grève textile de 1960. J’y ai connu les luttes partagées en commun, la soupe populaire, les « Agés » au kiosque, sur la place, la CGT de Frachon, Séguy, Krasu... alors outil puissant d’intégration, de solidarité.

Dans cet environnement de classe, je percevais et assumais ma différence, tout en la contenant. Un mélange fait de culpabilisation et de force, de fierté rouge...  « El orgullo comunista » : la satisfaction d’être coco. La crise et le racisme n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui, certes, mais dans la cour de récréation mes poings ont souvent paré au « putain d’Espagnol qui vient en France manger le pain des Français ». Nous étions les « barbares » de l’époque... Les puissants attisaient la guerre entre pauvres, mais il y avait du boulot pour tous. Un jour, humiliation suprême, ce vieux « « hussard de la République » d’instit me condamna à m’agenouiller sur une règle pour avoir bousculé un élève de CM1 ; il m’avait traité de « sale « espingouin » ou de « gavach », je ne sais plus . Déjà le monde à l’envers... les boucs- émissaires, la criminalisation des pauvres, les classes dangereuses, les « étrangers »... Calais-Argelès. Le monde est plein d’étrangers ! Argelès-Calais.

Ce « CV » de « fils de rouge », cette nostalgie d’avenir, me propulsent toujours et ne me poussent guère au consensus, ni à l’eau tiède, ni au plan de carrière, ni à m’intégrer au « système ». Le pire, c’est lorsque les révolutionnaires sont assimilés au « système ». A Labastide-Rouairoux, l’adhésion et le militantisme au PCF, le parti anticapitaliste qui structurait mon village ouvrier (en Occitanie ouvrière), créaient du lien, de la solidarité et de la conscience de classe ; aller au communisme, lire « l’Huma », c’était naturel. Fils de pauvres, nous étions la plupart conscients du pourquoi de l’être. L’exemplarité du mouvement ouvrier de ce village de grandes colères prolétaires a façonné des générations de rebelles. Je me souviens... Roger, Elie, Maria, Michel, Henri, Jacques... Aujourd’hui les usines textile ont fermé, sacrifiées sur l’autel de « l’Europe », de la « mondialisation » ; beaucoup d’ex rebelles ont vieilli (surtout en renonçant à leurs idéaux), la classe ouvrière repose au cimetière, le village se meurt, et le Front national cartonne, sur les cendres de l’espoir. Le dernier Républicain espagnol était Enrique l’étranger.

Fils de « rojo », j’ai hérité de cette République espagnole exilée et de ma Bastide prolétaire, toutes deux rouges, une aversion viscérale des fascistes, des « bourgeois », des faux-culs, des « collabos », des « jaunes », des politicards "lutte des places" et « toca manetas », serre mains compulsifs, de la « gauche de droite », toujours prête pour aller à Canossa, à Munich, à Maastricht, à Lisbonne...

Avec le temps, contrairement à ce que l’on dit souvent, je n’ai pas versé, ou pu verser, dans la sagesse.

Devenir sage : quel naufrage ! La crise d’adolescence, la révolutionnite, à plus de 60 rives, c’est terrible, contagieux, incontrôlable... mais tellement chouette !

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