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13 juillet 2015 1 13 /07 /juillet /2015 11:08
La Grèce, terre d'aventure privilégiée des spéculateurs !

Dominique Sicot - Samedi, 11 Juillet, 2015 - Humanité Dimanche

 

Après avoir fait plonger la Grèce en 2010, les fonds spéculatifs cherchent toujours à lui sucer les os. Après la dette publique, on s'amuse avec les titres dévalués des banques et des entreprises. De George Soros à John Paulson, les vieux loups de Wall Street sont à la manœuvre.

Entre corruption des élites et clientélisme, les finances publiques grecques n’ont pas toujours été au carré. Maquiller, prêter, jouer : les petits génies de la finance ont vite compris qu’il y avait de jolis coups à réaliser. Au début des années 2000, les comptes publics ne respectent pas les critères exigés pour faire partie de la zone euro. Pour y remédier, le gouvernement (socialiste : Pasok) décide de faire appel aux conseils d’un « expert », la banque américaine Goldman Sachs. Moyennant 300 millions d’euros de commission, elle va imaginer pour son client des montages « créatifs » permettant d’emprunter sans émission de dette et sans trace dans les comptes.

Rentabiliser le fiasco

Bien informée, Goldman Sachs s’est dit que la Grèce aurait bien du mal à payer ses dettes, et qu’il serait fort dommage de ne pas en tirer profit. Elle va donc, avec quelques fonds spéculatifs, dont celui du milliardaire John Paulson, acheter massivement des CDS (credit default swaps) sur la dette grecque pour parier sur les futures difficultés du pays. Ces CDS, sortes de contrats d’assurance sur le défaut de paiement, sont censés permettre aux investisseurs de se couvrir lorsqu’ils achètent un titre de dette. Mais, dans les faits, il est possible d’en acquérir sans même détenir les titres de dette correspondants. Ces achats massifs de CDS de dette grecque ont fait monter leur prix… et donné aux « marchés » le signal - confirmé par les agences de notation - que la Grèce n’était pas solvable, ce qui a provoqué l’envolée des taux d’intérêt que le pays a dû payer pour lever de nouveaux emprunts. Et l’envolée par ricochet des prix des CDS. Les malins ont empoché leurs bénéfices.

La Grèce, elle, est au tapis. Au printemps 2010, elle doit demander l’aide de l’Union européenne. En 2012, sa dette est restructurée. En apparence, les banques (allemandes, françaises et grecques en tête) qui avaient prêté à l’État grec à des taux exorbitants y laissent des plumes. Sur le papier, ces créanciers ont renoncé à 53,5 % de ce qui leur est dû. Dans les faits, ils s’en sont très bien tirés : pour une obligation d’un montant initial de 100 euros, mais achetée bien souvent moins de 40 euros sur le marché secondaire, ils ont reçu un nouveau titre d’une valeur de 46,50 euros, garanti par les « sauveurs » de la Grèce (institutions européennes et FMI).

Plaisirs inépuisables...

Après avoir épuisé les plaisirs sur la dette publique, les fonds spéculatifs s’essaient désormais à d’autres sensations fortes. Certains achètent des actions de banques grecques qui ne valent quasiment plus rien… et se contentent d’attendre un futur retournement. Le gérant de SkyBridge Capital se dit ainsi sûr - à 80 % - que leurs prix vont doubler dans les 12 à 18 mois. D’autres font la même chose avec des obligations de groupes tels que Titan Global Cement ou Hellenic Petroleum. D’autres encore ont parié sur la baisse de la Bourse en vendant à terme, à un prix convenu d’avance, des actions qu’ils n’avaient pas encore (le jeu consiste à les acheter au dernier moment moins cher que le prix convenu avec l’acheteur). Faute d’avoir respecté les règles de ces « ventes à découvert » - il y en a malgré tout quelques-unes - une vingtaine de fonds, dont un appartenant au célèbre financier George Soros, qui se sont fait récemment mettre à l’amende par l’autorité des marchés grecques pour des transactions sur des actions de banques grecques… mais pour un montant si léger (1 million d’euros au total) qu’il n’aura pas écorné leurs profits.

John Paulson a lui aussi pris ses positions. Il est ainsi le deuxième actionnaire de Piraeus Bank (Banque du Pirée) dont il a acquis 6,6 % en 2014. Et possède 9,9 % d’Athens Water Supply & Sewerage Company (la Compagnie des eaux), achetée la même année. Son premier investissement (687’millions d’euros) vaut aujourd’hui 4 fois moins. Le second (115 millions d’euros) - à l’occasion d’une tentative de privatisation déclarée depuis anticonstitutionnelle par la Cour suprême grecque - a perdu plus de 60’% de sa valeur. Pour l’instant, ça veut pas…

Repères :
1,9 milliard d'euros. Profits réalisés par la Banque centrale européenne sur son portefeuille de titres de dette grecque.
8. Nombre de plans d’austérité subis par les Grecs depuis 2009.
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